Vendredi 5 juin 2009 à 2:11

Edit: Je profite d'un petit rajout sur l'article pour vous spécifier la venue d'un nouvel habillage. Ce n'est pas "Khem" que je viens de mettre par défaut, qui date d'il y a un bon moment, mais de "psychédélire hérétique", fait dans un moment de surchauffe mentale du aux révisions. C'est hippie, c'est plein de couleurs, c'est choquant. Mais c'est moi aussi. baba ghoule power.  
 
 OHOHOH. Non, ce n’est pas la fête du Porcher, loin s’en faut. Période de révisions. Enfin, peut-on parler de révisions quand on n’a pas eu de cours sur le sujet sur lequel on sera interrogé ?
Là, j’ai le droit de faire un article, parce que je fais ce que je veux, d’une part, et que le thème est directement lié à mes révisions, d’autre part.
J’aime Eugène. Bon, j’aime deux Eugène. Pour l’un, vous trouverez tout, ou presque, ici,  de mes amoureuses déviances. Ah non en fait vous ne trouverez pas grand-chose vu que j’ai eu la flemme de faire les mots clefs pour tous mes articles. L’autre, et bien j’en ai déjà parlé aussi , c’est Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, que j’ai demandé en mariage il y a 2 ans bientôt (toujours pas de réponse soit dit en passant.)
J’aime Eugène. Vous saviez ? Et lorsque j’ai lu ces lignes, mon amour pour lui s’en est trouvé renforcé encore davantage. 

http://lostsoulslair.cowblog.fr/images/violletleduc.jpg

A monsieur Tournal, conservateur des musées de Narbonne
 
Paris, 8 décembre 1847
 
Mon cher ami,
Vous êtes comme toujours un homme charmant, mais vous êtes conservateur de musée et, par conséquent, né pillard, saccageur de monuments, arracheur de bas-reliefs ; vous avez enfin les qualités et les défauts de votre état, sauf le respect et l’amitié que je vous porte.
Ne trouvez-vous pas que nos églises aient été suffisamment dépouillées, et voulez-vous enlever le peu qui leur reste ? Ainsi faisait le père Lenoir, de terrible mémoire ; pour conserver dans son musée une clef de voûte qui lui plaisait, il jetait bas la chapelle dont cette clef dépendait, ce qui n’a pas empêcher l’Empereur de lui tirer l’oreille, de lui promettre beaucoup d’argent, et de lui donner la croix ; mais l’Empereur pillait aussi toute l’Europe pour enrichir le musée du Louvre, et tout cela a aboutit à perdre, à gâter, une bonne quantité de monuments précieux qui, les uns, sont restés au fond de la mer, qui, les autres, sont rentrés chez eux éclopés, usés, fanés, essoufflés, frottés, lavés, rouillés, rayés, cassés, fêlés, désorientés, faussées, bossués, fatigués, descellés, décollés, craquelés, mouillés, pâlis, affadis, roussis, aplatis, gauchis.
Laissons les monuments chez eux, c’est du moins mon avis. Un monument a un intérêt immense à la place, bonne ou mauvaise, qu’on lui a donné, un intérêt qu’il perd quand on le déplace. J’irais à Londres, ce qui peut arriver à tout le monde, que je n’irais pas voir les bas-reliefs du Parthénon, parce que mon imagination me les montre se détachant sur l’azur d’un beau ciel, et que si je voyais dans leur trou actuel, je ne pourrais plus me les figurer qu’entourés de rideaux verts avec d’affreux gardiens roux autour. Les peuples qui font des musées sont des peuples de pirates et de pillards. Passe encore qu’après les révolutions on ouvre des asiles à tous les débris que des fous enragés ont laissés derrière eux, mais qu’on arrache une parcelle quelconque d’un monument pour la placer dans un musée, cela sent son Romain d’une lieue, et vous savez que j’abhorre ce peuple de voleurs parvenus.
Viollet-le-Duc

Remettons-nous dans le contexte pour éclaircir les choses. Nous sommes donc au XIXe siècle (ah, si seulement) et en cette période le top du top c’est le musée. Le musée, c’est la modernité, c’est le temple des arts et du génie de la production humaine, c’est le nec plus ultra de l’éducation, c’est l’autel de la fierté nationale, et donc, chaque ville se devait d’en avoir un pour être dans le coups (ouais je sais ça a bien changé…). L’une des grandes passions aussi au XIXe , c’est l’archéologie. Qui rejoint la première, littéralement parlant, en plus.
 
Et on sent au début de la missive que parfois, les archéologues et les hommes de musées, et bien, ça ne colle pas trop. Eugène était plus architecte qu’archéologue, ce qui ne l’a pas empêché de faire des fouilles et d’écrire des tas de choses très archéologiques (Dictionnaire du Moyen-Age, pour ne citer que lui) ah oui, et il a eu le très grand mérite de participer à la reconnaissance du patrimoine médiéval, qui était largement méprisé durant très longtemps, notamment parce que ce n’était pas grec. Ben oui, dès que ce n’est plus grec, ça ne vaut pas le coups, pour certains, à l’époque.
 
Narbonne était l’une des villes où a été fondé un dépôt départemental : en gros, on y réunit les ruines des alentours, donc beaucoup de lapidaire. C’était donc une ville importante, qui se devait d’avoir ces musées. Aussi Paul Tournal en a t’il fondé un en 1833 –qui existe toujours. Musée avec une section archéologie, ce que lui reproche mr Viollet-le-Duc, enfin, surtout les méthodes, puisque pour constituer « le second ensemble d'architecture religieuse de France » et bien il a fallut dépouiller quelques ensembles d’architecture religieuse, précisément. A partir des dépôts, qui arrachaient des bouts intéressants à une ruine ou une autre. Il l’a vu de lui-même, étant venu restaurer la cathédrale de Narbonne dans les alentours de 1843. Ce qui explique aussi qu’il connaisse mr Tournal.
http://www.wiki-narbonne.fr/images/thumb/c/c1/Tournal.jpg/180px-Tournal.jpg
 
 
DONC, au XIXe, dans la frénésie muséale et archéologique, il y a bien sûr eut des abus.
Les églises dépouillées font évidemment référence à la Révolution. On s’est largement servi avec la sécularisation des biens du clergé (2 novembre 1789), l’Etat le premier, pour prendre ce qu’il y avait dedans. Ce qui n’a pas aidé ces monuments souvent déjà en triste état.
Le père Lenoir, c’est Alexandre Lenoir (décédé depuis presque 10 ans quand Eugène rédige sa lettre) passionné par le patrimoine et les musées, il en créa certains, mais pas moins pillard et indélicat pour autant, malgré sa vocation de sauvegarde.
http://www.histoire-image.org/photo/fullscreen/ben31_delafontaine_001z.jpg
Portrait d’Alexandre Lenoir en 1799 par Pierre Maximilien Delafontaine
(j’adore ses sapes je dois dire, surtout le veston noir dessous)
 
 
Ah, et là ça devient très bon !
L’Empereur fait évidemment référence à mon grand ami (enfin… grand… et surtout… « ami » hem) Napoléon Bonaparte, et là, oui mes amis, larmes de bonheur de le voir fustigé par Maître Viollet-le-Duc lui-même ! 
Bonaparte, si vous ne vous en souvenez pas, a profité de mettre l’Europe à feu et à sang pour mener une « politique culturelle » très personnelle qui consistait à délester lesdits pays de leurs plus beaux chefs-d’œuvre… qui furent amenés au Louvre. Mais à un moment il n’y eut plus de place, alors on a envoyé des bouts en région, soit-disant pour que tout le monde ait des chefs d’œuvres. Après tout, on est tous égaux maintenant, pas vrai. On est tous égaux, mais le Louvre un peu plus que les autres quand même (pour reprendre une expression de Coluche) alors le Louvre il garde le plus beau, n’est-ce pas.
Aussi, lorsque le tyran a enfin été défait (passez-vous donc Waterloo d’Abba et chantez avec moi) réussissant tout de même à unir la quasi-totalité de l’Europe… contre la France, lui enlevant tout pouvoir et influence pour un moment, enfin bref, quand il fut défait donc, et bien il a fallut restituer touuuut ce qui avait été pillé…
 
Alors à ceux qui pensent que nous devons le plus beau musée du monde à Napoléon, je dis NON ! on ne lui doit rien !!
 
Et Eugène nous explique avec verve que tous ces transports ont été très nocifs à ces œuvres.
Voyez comme le tyran autoproclamé était infâme. Massacrer la jeunesse ET l’art. ET les droits des femmes, ET l’honneur de… ahem. Bravo quoi.
 
Vous pouvez-donc constater qu’Eugène était un partisan de laisser les œuvres, surtout les vestiges archéologiques, où elles se trouvent. Ce qui se défend tout à fait. Dans une salle aseptisée de musée, un bout de monument seul comme ça, hors contexte, perd beaucoup de son identité, de son essence. Non, mais c’est vrai, allez dans la section des arts africains, océaniens et américains du Louvre. Je suis très exaltée de voir ses œuvres, d’avoir des fragments de culture de l’autre bout du monde et du temps sous les yeux, d’admirer leur beauté, mais ça fait vraiment étrange de les voir là, complètement coupés de leurs origines, simplement posé là, entre 4 murs blancs et muets (et froids). Quelque part c’est lugubre, et je me prend à tenter d’imaginer ce que ça donnerait, replacé dans le contexte, dans leur environnement d’origine, et je dois dire que forcément, c’est autre chose.
 
 
 
Bien sûr quand ce sont des réfugiés politiques, déjà déplacés de leur contexte par les troubles extérieurs, c’est un bon asile. Et c’est quand même magnifique d’avoir à disposition des objets de toutes les cultures, de tous les temps, rassemblés de façon logique, hein. Mais quand même, quand je vois cette pauvre stèle maya, absolument magnifique au demeurant, on me l’offre, bien sûr je préférerais la mettre chez moi que la remettre dans un coin de monument en ruine dans le fin fond du trou oculaire du Yucatan, mais quelque part j’aimerais mieux la voir à l’endroit qu’on lui avait choisis à l’origine, et telle qu’elle était placée… c’est à dire dans le beau monument flambant neuf avec des tas de chevelus en pagne autour. Et oui, c’est ça le problème, on ne peut pas remonter le temps. Tempus edax rerum.
 
http://accel6.mettre-put-idata.over-blog.com/2/01/43/65/Louvre--3-/P1060005.jpg
bon, ok, on ne voit pas grand chose, mais c’est la seule photo de cette stèle que j’ai trouvé.
 
Les historiens sont des nécromants ([racontage de vie/ ON] j’avais casé ça dans un partiel une fois. Textuellement. Et j’ajoute que je suis très fière d’être apprentie nécromante. D’ailleurs ça y est j’ai mon foutu papier d’amour, je peux accrocher ma licence de nécromancie sur mon mur !!! [racontage de vie/OFF]), certes, mais ils ne pourront jamais faire revenir le passé (ouais là faut relire le début de la phrase en fait). 
Tout ça pour dire, ben j’aime quand même fanatiquement les musées, même si ça fait cimetière quelque part, comme le disent certains. Hmm, ouais je suis extrêmement nécrophile en fait.
 
Et donc, pour en revenir à Eugène d’amour (aucun lien avec l’assertion précédente) et bien, il a tout expliqué mieux que moi. Ça aloooors.
Adressez-lui vos louanges la prochaine fois que vous brûlerez de l’encens.
Au fait, non seulement Eugène aimait le gothique, mais aussi les Aztèques et les Mayas. Si ce n’est pas l’homme parfait, ça. Il a même écrit sur leur art et architecture. Et oui. Introduction au Voyage au Mexique de Désiré Charnay.
 
AH. Une autre anecdote amusante concernant les musées et le XIXe siècle : on considérait que c’était un endroit très peu approprié aux « jeunes filles et aux honnêtes femmes »
La raison ? dans un musée, fatalement, à un moment ou à un autre, le chaste regard d’une demoiselle ou d’une dame va tomber sur une sculpture grecque d’un dieu nu, sur un vase représentant des athlètes Grecs nus, sur un tableau représentant un Héros Grec nu (plus rare quand même) que sais-je, sur une momie de dignitaire égyptien nu (oui parce qu’il n’y a pas que les Grecs pour se balader nus, quand même… enfin ...), bref, la virilité ainsi exposée va la choquer. En fait, on pensait plutôt que cette exhibition de nudité mâle provoquait une excitation sexuelle. Bah voyons. La femme, quelle perverse salace alors, c’est sûr que c’est super excitant de voir un bloc de marbre sous la forme d’un barbu à poil, surtout vu les poses super suggestives, ahlalalala. Bon, d’accord, le supplice de Marsyas ( qui fut écorché sur ordre d’Apollon, pour la petite histoire, parce que c’est vrai que les mythes Grecs, c’est cool) présente une pose suggestive, et encore, il faut être déviant. C’est pas pour autant qu’on va vouloir violer la statue quand même ! Racontez votre expérience ! (quelqu’un a déjà violé une statue ?XD A part Pygmalion ? Tiens oui, maintenant que j'y pense, mon esclave l'a fait)
http://www.puc-rio.br/louvre/images/isborghe.jpg
 
en bonus une autre statue avec une pose indécente :
http://images.encarta.msn.com/xrefmedia/sharemed/targets/images/pho/t267/T267386A.jpg
enfin quoi ce n’est pas indécent, c’est de l’art ! là, c’est l’esclave mourant, de Michel-Ange. excusez du peu.
 
 
Par contre, les hommes sont bien sûr à l’abri de toute espèce d’excitation de ce genre, ce sont des esthètes, eux, ils ne voient que la beauté, le génie, l’Art, alors ils peuvent mater tous les tableaux de nanas à poil dans des poses lascives représentant soit-disant des déesses (Grecques) c’est sûr, c’est marqué sur son front, tiens. ON A DIT SON FRONT.
Quelle hypocrisie quand même.
 
http://www.metmuseum.org/toah/images/h2/h2_94.24.1.jpg
La naissance de Venus, par Cabanel, 1875. (il n’y a qu’au partiel que j’ai oublié son nom) les critiques y ont quand même vu une « prostituée en pâte d'amande rose»  ou quelque chose de ce genre. non mais ça se voit que c’est une scène mythologique, voyons ! A noter que Cabanel est le type même de l'artiste "pompier", à savoir qui peint ce qui plaît au public, ce que le public veut voir (au contraire des romantiques, tels maître Delacroix, qui peignent ce qui leur plaît comme ça leur plaît, et Dieu reconnaîtra les siens...ou devinez qui... hey pas ma faute si Lucifer était à la mode chez les romantiques quand même!)et donc, au vu de cette toile, que voulait le public mâle XIXe d'après vous, hmmm? 
 
N’empêche, je crois que je vais faire un master XIXe l’an prochain. Egyptologie et XIXe ça serait possible ?

Vale, et que la vapeur des encens lorsque vous vous ferez un piercing à la langue  vous apporte les visions de vos glorieux ancêtres en pagne. 

 

Dimanche 22 juillet 2007 à 23:23

 

 
Rapport de la cantinière Bleuzenn sur la semaine à Roquetaillade (16-20 juillet)

 

 

 

 

 

(traduit d'un patois médiéval)

 

 

Le départ a plusieurs fois semblé contrarié à cause d’une inconcevable malchance avec les chariotes indispensables pour traîner tout le tremblement nécessaire à la bonne marche du camps. Fort heureusement, tout à pu être embarqué et le convoi de chariotes parées comme pour la guerre est parti pour le fier castel de Roquetaillade. Dans la nôtre, la boîte magique d’Amduscias* diffusait une musique collant parfaitement avec notre environnement, qu’il s’agisse d’un danger imminent ou de la rencontre avec des ouvriers maures.
 L’arrivée au castel lui même était fort impressionnante, sous ce ciel gris menaçant. Mais point de temps aucun pour traînailler, le camps doit être monté au plus vite, et la compagnie qui méconnaît le mot efficacité se trouve forcée de l’appliquer. Un nouveau drame se joue, entre les piquets qui refusent de tenir et le toit de la petite tente qui baille à se damner. Les cantinières, déjà épuisées après le port de pierres pour le bivouac (nous ne sommes que de frêles demoiselles), doivent se mettre immédiatement à l’ouvrage, qui va durer une partie de l’après-midi, interrompu par une pluie battante. Les mâles quant à eux s’affairent à trouver du bois pour entretenir le feu et rangent leurs affaires (ce qui fut rapide pour nous, pauvres gueuses ne possédant rien). Ils tentent également de retirer la rouille de la marmite, sans succès.
La marmite restera donc accrochée à la crémaillère, parce que ça fait classe, mais elle ne donnera jamais qu’un infâme bouillon de sorcière tout de même très prisé par les visiteurs. Notre nourriture est elle préparé dans une marmite en céramique placée sur les braises où elle cuit pois chiches, pois cassés, haricots blancs, lentilles, et autres joyeusetés apportant une atmosphère conviviale, surtout dans la tente le soir venu (avec du lard restant en permanence dans le bouillon et sera ainsi recuit un nombre de fois extravagant). Il faut ajouter à cela une belle patte de jambon (contre laquelle j’étais dans la chariote) et du pain en quantité, sans oublier, naturellement, l’élément indispensable : la bonne vinasse ! Ah charmant hypocras donnant du cœur à l’ouvrage, gentil sauget redonnant vigueur !
Une chose est certaine, une bienheureuse ambiance règne sur notre troupe, aussi résistante que notre feu.
Parties faire la vaisselle, Guenièvre et moi rencontrons des cheftaines de scoutesses établies non loin et elles se montrent très intéressées à rencontrer nos maîtres pour leur rendre hommage. Qui ne voudrait, il est vrai, connaître si noble et preuse compaignie !
Le feu, justement, est encore fragile, et le soir venu il est décidé que chacun se lèvera à son tour veiller sur lui. Il est difficile de ne pas se rendormir, malgré le froid, et l’insigne honneur de veiller en compagnie du sire Baron de Puyseignac lui même, et c’est le froid justement qui rend le sommeil long à revenir une fois revenue dans la tente que le sire de Lantenay a bien daigné partager avec la gueusaille.
Les activités, une fois le camps établi, ne varient pas énormément. Les hommes coupent du bois, nettoient leurs pièces d’armes, s’apprêtent devant les visiteurs avides, s’entraînent… les gueuses cousent, vont chercher de l’eau, font la vaisselle et la nourriture (parfois). Des visiteurs détournent quelquefois leurs pas du château pour venir nous voir. Ils sont vêtus de façon on ne peut plus extravagante et ridicule. Les femmes sont très indécentes, se promenant partout les cheveux découverts et les jambes nues. Les hommes ne sont pas en reste et au mépris de la distinction la plus élémentaire, vaquent sans couvrechief. Ils mettent devant leurs yeux d’étranges boîtes en nous demandant de ne pas bouger. Philippe nous a dit qu’ils faisaient des enluminures de cette façon. Voilà bien insolite idée !
Mais le château tout proche est aussi source de curiosités et d’émerveillements ! d’extérieur très imposant et majestueux, l’intérieur, que la châtelaine nous fit l’honneur de nous inviter à visiter, est d’un raffinement propre à émouvoir l’âme sensible d’une cantinière facilement impressionnable, ce qui ne fut pas le cas de tous ces nobles seigneurs, le trouvant trop décalé, voir même, horreur, dégradé. Pourtant le maître Viollet le Duc y porta sa talentueuse main et son génie (et je crois que c’est bien ce qui leur posa problème). A côté de ce magnifique castel en est un autre, très délabré, et ces ruines offrent au clair de lune un spectacle propre à émouvoir une âme sensible, avec ce panorama impressionnant.
Le mardi soir, une armée de jeunes scoutesses dévergondées débarqua dans notre camps pour venir admirer nos seigneurs, pas peu fiers d’exhiber leurs belles pièces d’armures et leurs armes tranchantes. Ne doutez pas que les donzelles durent forts impressionnées, et pour remercier nos bons seigneurs elles entamèrent un chant qui m’emplit d’effroi tant la cacophonie semblait en faire une musique tout droit venue des Enfers ! Nous les fîmes danser, ce qui leur procura une joie qu’on ne saurait décrire. Puis, la nuit étant tombée, la joyeuse troupe retourna dans son campement. Les cheftaines restèrent avec nous, ainsi que la gente personne qui nous avait fait visiter le château le matin, et elle avait apporté un bon liquoreux dont Philippe abusa quelque peu. Il déclara vouloir épouser la jeune dame, être heureux que l’alcool annule l’effet des flatulences, annonça à Guenièvre et à moi même que nous étions de bonnes cantinières, puis accusa le sire de Vildieu de m’exploiter, ce qui m’horrifia puisque ce n’était pas le cas. A dire vrai, c’était plutôt moi qui exploitait ledit sire de Vildieu, lui ayant honteusement forcé la main pour pouvoir coudre sa chemise.
Le mercredi fut la journée la plus torride de la semaine. Le matin était toujours couvert, l’après-midi caniculaire et le soir plein d’éclairs. Mais cet fois le soleil cogna si fort qu’il me brûla vilainement et fort cruellement les bras, ce dont je souffre toujours. Tentez de me plaindre, car perdre la pâleur de son teint est détourner les mâles regards. Cet après-midi là, la compaignie perdit totalement le sens du terme efficacité, écrasée par l’ardente chaleur. L’humeur fut pourtant fort joyeuse, et les salaceries, déjà omniprésentes sur le camps, pleuvaient à une telle vitesse dans mes chastes oreilles qui nous nous demandâmes si un élément extérieur n’était responsable de cette euphorie maligne. La suspicion se porta sur l’air environnant, l’herbe sur laquelle nous marchions, la vinasse, le soleil et la chaleur sur nos crânes, ou encore la fumée provenant de la crémation des arbres peut être maléficiés.
Le sieur de Vilideu et Philippe le Roseau semblaient les plus atteints alors qu’ils coupaient le bois, inventant une petite chanson pour l’occasion. Il y eut une sombre histoire à propos du rondin de Philippe qu’il caressait lascivement pendant que messire Tristan le coupait. Le soir, cela dériva même, puisqu’en dessalant la morue prévue au dîner du lendemain, Guenièvre fit remarquer que la morue s’était autant amollie que le rondin de Philippe. Notre archer gagna ainsi le charmant surnom de Morue Molle, voir de Molle Morue Maso, après certains de ses dires. Cela fut d’ailleurs utilisé pour la veillée puisque nous demandâmes à notre poète (à prononcer pouet, le mot fétiche de la compagnie, enfin, de certains) de nous conter une histoire. Celle-ci eut donc pour protagonistes Morue Molle (Philippe), Marco le Maquereau (le sieur Baron), Mariette la Mouette Guenièvre), et la Morue Mégère (moi même) je ne vois d’ailleurs pas pour quelle raison on me donne telle réputation ! mais comme je dis, mieux vaut être une morue qu’un thon !
Le lendemain, beaucoup de visiteurs vinrent nous voir. Messire Tristan de Vildieu et Messire le baron Guérin de Puyseignac durent partir régler d’autres affaires, et le sire de Lantenay nous permis fort généreusement, à Guenièvre et à moi même, de dormir dans la tente qu’ils laissaient. Nous nous faisons toutes deux une joie de pouvoir enfin dormir sur une paillasse, sous de chaudes couvertures, sans Philippe et sa perversion ! Philippe que nous liâmes avec des cordes, bâillonné, le tout sur son expresse demande…
La châtelaine nous permis de visiter une partie de son castel interdite à ses visiteurs habituels, ce dont nous fûmes très honorés. Elle nous confia les clefs du donjon à l’assaut duquel nous partîmes ! Il fallut monter un interminable escalier à vis, mais le spectacle en valait bien la peine ! les salles étaient délabrées, offrant une vision pleine de tristesse quand on pensait à ce que cela avait du être jadis. Les plafonds étaient très bien conservés, et heureusement, contrairement aux sols défoncés. Sur le chemin de garde intérieur, nous vîmes de petites chauves souris accrochées aux fenêtres pleines de toiles d’araignées, ce qui me rappela Viollet le Duc que j’aurais voulu pouvoir épouser, quoique l’on m’ait dit que son état ne le permettait plus. Nous fîmes un tour sur les toits de même, venteux et offrant une vue imprenable sur les environs. Mais voyant de loin notre dîner brûler (avec la morue) nous ne traînâmes pas.
 
Et c’est là qu’un drame se noue sous nos yeux sans que nous ne le voyions ! après un repas de fête, le soir tombant nous trouva autours d’une bonne chope d’hypocras, attablés sous le auvent, éclairés par la lanterne en train d’écouter attentivement messire Roger de Lantenay nous conter ses mésaventures. Alors que minuit sonnait, -heure sinistre ! la pluie commença à tomber doucement. Nous nous apprêtions à aller nous coucher, et il fallut opérer dans l’urgence quelques manipulations pour sauvegarder le matériel, tels le rassembler au milieu des tentes pour ne pas qu’il se fasse tremper par les murs de la tente. Le sieur Roger et Philippe partirent chercher leurs chariotes pour évacuer le matériel, la tente menaçant de s’effondrer. Nous n’étions éclairés que par la faible lumière de la lanterne du auvent, et par celle que Roger me tendit, derniers remparts face à un monde de ténèbres déchaînées vomissant sur nous des torrents d’eau glacée. L’ire du ciel ne s’arrêtait pas là puisque vinrent en fanfare des hordes de cauchemars répandant vent et tonnerre, pluie et éclairs, éclairs qui nous environnaient sans jamais vraiment s’approcher, déchirants le ciel par intermittence, figeant la scène apocalyptique l’espace d’une de nos respirations haletantes. Les chariotes vinrent en renfort nous éclairer, mais la luminosité nous aveuglait plus qu’autre chose... Et nous étions là, virevoltants, comme des papillons affolés autours d’une torche, évacuant la grande tente qu’il fallait affaisser avant que les poteaux ne lâchent… A ce moment là, nous fûmes plongées dans une grande lumière blanche, et un fracas de fin du monde s’abattit sur nos tête. Mon pauvre cœur manqua de prendre congé et je compris que la foudre n’était pas passé loin avant de retourner, les jambes flageolantes, apporter mon maigre soutien.
Une fois la grande tente affalée, nous regardâmes à l’abri du solide auvent les restes du camps. Il fut décidé que Guenièvre et moi même dormirions comme prévu dans la petite tente transformée en débarras pour surveiller le camps et le feu, qui tenait toujours vaillamment sous la pluie battante. Le sieur Roger, qui s’était résolu d’aller dormir dans le refuge en contrebas avec Philipe, n’ayant plus d’autre abri, retourna dans la petite tente récupérer un de ses coffres pour le placer à l’abri du auvent, ladite tente étant trop petite pour ledit coffre. Il faut se représenter le temps plein d’épouvantements, les rafales de vents rabattant les hordes d’eau sur nous, dégoulinants exhalant de petits fantômes de vapeurs par nos lèvres tremblantes de froid, alors qu’autours de nous l’orage se déchaîne avec fracas, le monde nous semblant s’écrouler à chaque coups, comme si nous étions sur le champs de bataille d’une guerre céleste usant de titanesques canons, rendant l’atmosphère glauque au possible. Les lumières des chariotes sont en plein dirigés sur la tente, ce qui fait que nous distinguons tous les faits et gestes de sire Roger qui empoigne héroïquement le coffre et le sort de la tente, qui s’écroule juste à ce moment là derrière lui, donnant à l’instant un souffle épique d’une rare intensité. Mais nous n’avons pas le loisir de méditer sur cette vision de bravoure, car l’heure est grave, il faut à présent évacuer tout ce que contenait la tente dans les plus brefs délais, et tout entasser dans les chariotes déjà surchargées. Les étoffes, les pièces d’armures, il faut faire vite, et la pluie qui s’était calmée reprend de plus belle, et le ciel frappe toujours la terre dans une sarabande de feu…
Ceci fait, nous revoici sous le auvent contemplant tristement les restes du champs de bataille, après une défaite contre un invincible adversaire. Le sire de Lantenay entasse les dernières bûches sur le feu, et nous devons nous contraindre à abandonner la place aux forces dévastatrices du ciel, pour nous replier humblement en contrebas, dans le refuge. Le fracas s’éloigne, nous voici au chaud, à l’abris. Nous troquons nos vêtements trempés contre des secs, et nous attablons autours d’un réconfortant verre d’hypocras et petits gâteaux exotiques, alors que messire de Lantenay nous lit les nouvelles du pays (c’est le seul qui sache lire) celles-ci sont d’une telle cocasserie que nous nous remettons vite, dans cette ambiance conviviale, de nos émotions tout juste passées. Le sommeil ne tarde pas à alourdir nos paupières pendant que j’imagine comment l’on contera notre déconvenue la semaine suivante, dans des termes comme « le camps prend l’eau ». L’abri comporte de quoi passer une bonne nuit, ce que nous ne manquerons pas de faire après une ultime frayeur provoquée par Guenièvre entrant brusquement dans la chambre avec des hululements tandis que Philippe et moi parlions dans la pénombre d’enluminures représentants des gens morts.
Le lendemain, triste tâche que de devoir tout remettre en ordre, plier les tentes trempées, effacer nos traces du lieu, pour repartir chez nous. Le pire étant ce large soleil brûlant nous narguant de là-haut, comme un défi. Funeste fin pour notre fier camps, mais nous ne nous avouons pas vaincu ! au mois d’août nous reviendrons prendre d’assaut ce terrain hostile, la châtelaine se montrant ravie de l’initiative…
 
*Amduscias est un démon qui permet, une fois invoquer, d’entendre de la musique sans en voir les instruments.

 

 

 

 

Mercredi 20 juin 2007 à 20:39

Depuis le temps que j'avais grand désir de voir cette merveille, me voici enfin comblée!

je suis allée visiter aujourd'hui même, par un soleil accablant, le très beau château de Pierrefonds.

Bon, j'en vois tout de suite venir dire que ce château est une honte, qu'il a été massacré, qu'il n'a plus rien à voir avec l'original, blablabla...

Au XVèeme, c'était un château fortifié édifié par Louis d'Orléans, (sur les bases de quelque chose de plus ancien) qui n'a pas pu en profiter longtemps suite à une erreur politique majeure: il ets mort en 1407, assassiné. Au fil du temps, le château a très bien résisté aux divers assauts, sauf lorsque Louis XIII a décrété que ce château lui avait assez pollué la vue, et qu'il 'a fait éventrer autant qu'il l'a pu.

XIXème siècle: le romantisme se prend de passion pour les ruines médiévales, et l'esprit exalté de ce beau mouvement conçoit de rebâtir Pierrefonds, sous l'égide d'un architecte très inspiré, Eugène Viollet-leDuc, très connu pour avoir restauré maints monuments médiévaux dans toute la France.

Puisant dans la cassette personnelle de Napoléon III, il se laisse aller à ses fantasmes de pierre, et fait de Pierrefonds sa restauration la plus inspirée. Comprenez qu'il n'a pas restauré strictement et rigoureusement pour rendre à la forteresse son aspect XVème: non, il a fait de ce château sa propre interpétation, très personnelle, de l'architecture médiévale (comme il l'avait fait un peu à Notre Dame de Paris). On a donc un mélange de gothique flamboyant, de style Renaissance, et de nombreuses bêtes fantastiques, et d'aménagement de pièces en néo-gothique qui tire même parfois vers le style Art Nouveau.

Donc rien de très commun avec du médiéval, mais c'est une interprétation, et de mon point de vue je trouve cela tout à fait fascinant. Vision fantasmée d'une époque, qui a engendrée un rêve de pierre. C'est quelque chose que j'adore dans le XIXeme siècle, leur vision du passé, la façon dont ils l'appréhendaient (avec des méthodes plus ou moins recommandables je dois l'avouer). et puis je ne trouve pas ce soit si grande trahison que cette reconstruction... après tout au Moyen-Age aussi on réinterpétait les choses suivant la vision du temps...

Quant à ma vision, elle est doublement fantasmée... une vision fantasmée du XIXème siècle fantasmant le Moyen-Age...

de quoi rêver encore et encore...

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