Edit: Je profite d'un petit rajout sur l'article pour vous spécifier la venue d'un nouvel habillage. Ce n'est pas "Khem" que je viens de mettre par défaut, qui date d'il y a un bon moment, mais de "psychédélire hérétique", fait dans un moment de surchauffe mentale du aux révisions. C'est hippie, c'est plein de couleurs, c'est choquant. Mais c'est moi aussi. baba ghoule power.
OHOHOH. Non, ce n’est pas la fête du Porcher, loin s’en faut. Période de révisions. Enfin, peut-on parler de révisions quand on n’a pas eu de cours sur le sujet sur lequel on sera interrogé ?
Là, j’ai le droit de faire un article, parce que je fais ce que je veux, d’une part, et que le thème est directement lié à mes révisions, d’autre part.
J’aime Eugène. Bon, j’aime deux Eugène. Pour l’un, vous trouverez tout, ou presque, ici, de mes amoureuses déviances. Ah non en fait vous ne trouverez pas grand-chose vu que j’ai eu la flemme de faire les mots clefs pour tous mes articles. L’autre, et bien j’en ai déjà parlé aussi , c’est Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, que j’ai demandé en mariage il y a 2 ans bientôt (toujours pas de réponse soit dit en passant.)
J’aime Eugène. Vous saviez ? Et lorsque j’ai lu ces lignes, mon amour pour lui s’en est trouvé renforcé encore davantage.
A monsieur Tournal, conservateur des musées de Narbonne
Paris, 8 décembre 1847
Mon cher ami,
Vous êtes comme toujours un homme charmant, mais vous êtes conservateur de musée et, par conséquent, né pillard, saccageur de monuments, arracheur de bas-reliefs ; vous avez enfin les qualités et les défauts de votre état, sauf le respect et l’amitié que je vous porte.
Ne trouvez-vous pas que nos églises aient été suffisamment dépouillées, et voulez-vous enlever le peu qui leur reste ? Ainsi faisait le père Lenoir, de terrible mémoire ; pour conserver dans son musée une clef de voûte qui lui plaisait, il jetait bas la chapelle dont cette clef dépendait, ce qui n’a pas empêcher l’Empereur de lui tirer l’oreille, de lui promettre beaucoup d’argent, et de lui donner la croix ; mais l’Empereur pillait aussi toute l’Europe pour enrichir le musée du Louvre, et tout cela a aboutit à perdre, à gâter, une bonne quantité de monuments précieux qui, les uns, sont restés au fond de la mer, qui, les autres, sont rentrés chez eux éclopés, usés, fanés, essoufflés, frottés, lavés, rouillés, rayés, cassés, fêlés, désorientés, faussées, bossués, fatigués, descellés, décollés, craquelés, mouillés, pâlis, affadis, roussis, aplatis, gauchis.
Laissons les monuments chez eux, c’est du moins mon avis. Un monument a un intérêt immense à la place, bonne ou mauvaise, qu’on lui a donné, un intérêt qu’il perd quand on le déplace. J’irais à Londres, ce qui peut arriver à tout le monde, que je n’irais pas voir les bas-reliefs du Parthénon, parce que mon imagination me les montre se détachant sur l’azur d’un beau ciel, et que si je voyais dans leur trou actuel, je ne pourrais plus me les figurer qu’entourés de rideaux verts avec d’affreux gardiens roux autour. Les peuples qui font des musées sont des peuples de pirates et de pillards. Passe encore qu’après les révolutions on ouvre des asiles à tous les débris que des fous enragés ont laissés derrière eux, mais qu’on arrache une parcelle quelconque d’un monument pour la placer dans un musée, cela sent son Romain d’une lieue, et vous savez que j’abhorre ce peuple de voleurs parvenus.
Viollet-le-Duc
Remettons-nous dans le contexte pour éclaircir les choses. Nous sommes donc au XIXe siècle (ah, si seulement) et en cette période le top du top c’est le musée. Le musée, c’est la modernité, c’est le temple des arts et du génie de la production humaine, c’est le nec plus ultra de l’éducation, c’est l’autel de la fierté nationale, et donc, chaque ville se devait d’en avoir un pour être dans le coups (ouais je sais ça a bien changé…). L’une des grandes passions aussi au XIXe , c’est l’archéologie. Qui rejoint la première, littéralement parlant, en plus.
Et on sent au début de la missive que parfois, les archéologues et les hommes de musées, et bien, ça ne colle pas trop. Eugène était plus architecte qu’archéologue, ce qui ne l’a pas empêché de faire des fouilles et d’écrire des tas de choses très archéologiques (Dictionnaire du Moyen-Age, pour ne citer que lui) ah oui, et il a eu le très grand mérite de participer à la reconnaissance du patrimoine médiéval, qui était largement méprisé durant très longtemps, notamment parce que ce n’était pas grec. Ben oui, dès que ce n’est plus grec, ça ne vaut pas le coups, pour certains, à l’époque.
Narbonne était l’une des villes où a été fondé un dépôt départemental : en gros, on y réunit les ruines des alentours, donc beaucoup de lapidaire. C’était donc une ville importante, qui se devait d’avoir ces musées. Aussi Paul Tournal en a t’il fondé un en 1833 –qui existe toujours. Musée avec une section archéologie, ce que lui reproche mr Viollet-le-Duc, enfin, surtout les méthodes, puisque pour constituer « le second ensemble d'architecture religieuse de France » et bien il a fallut dépouiller quelques ensembles d’architecture religieuse, précisément. A partir des dépôts, qui arrachaient des bouts intéressants à une ruine ou une autre. Il l’a vu de lui-même, étant venu restaurer la cathédrale de Narbonne dans les alentours de 1843. Ce qui explique aussi qu’il connaisse mr Tournal.
DONC, au XIXe, dans la frénésie muséale et archéologique, il y a bien sûr eut des abus.
Les églises dépouillées font évidemment référence à la Révolution. On s’est largement servi avec la sécularisation des biens du clergé (2 novembre 1789), l’Etat le premier, pour prendre ce qu’il y avait dedans. Ce qui n’a pas aidé ces monuments souvent déjà en triste état.
Le père Lenoir, c’est Alexandre Lenoir (décédé depuis presque 10 ans quand Eugène rédige sa lettre) passionné par le patrimoine et les musées, il en créa certains, mais pas moins pillard et indélicat pour autant, malgré sa vocation de sauvegarde.
Portrait d’Alexandre Lenoir en 1799 par Pierre Maximilien Delafontaine
(j’adore ses sapes je dois dire, surtout le veston noir dessous)
Ah, et là ça devient très bon !
L’Empereur fait évidemment référence à mon grand ami (enfin… grand… et surtout… « ami » hem) Napoléon Bonaparte, et là, oui mes amis, larmes de bonheur de le voir fustigé par Maître Viollet-le-Duc lui-même !
Bonaparte, si vous ne vous en souvenez pas, a profité de mettre l’Europe à feu et à sang pour mener une « politique culturelle » très personnelle qui consistait à délester lesdits pays de leurs plus beaux chefs-d’œuvre… qui furent amenés au Louvre. Mais à un moment il n’y eut plus de place, alors on a envoyé des bouts en région, soit-disant pour que tout le monde ait des chefs d’œuvres. Après tout, on est tous égaux maintenant, pas vrai. On est tous égaux, mais le Louvre un peu plus que les autres quand même (pour reprendre une expression de Coluche) alors le Louvre il garde le plus beau, n’est-ce pas.
Aussi, lorsque le tyran a enfin été défait (passez-vous donc Waterloo d’Abba et chantez avec moi) réussissant tout de même à unir la quasi-totalité de l’Europe… contre la France, lui enlevant tout pouvoir et influence pour un moment, enfin bref, quand il fut défait donc, et bien il a fallut restituer touuuut ce qui avait été pillé…
Alors à ceux qui pensent que nous devons le plus beau musée du monde à Napoléon, je dis NON ! on ne lui doit rien !!
Et Eugène nous explique avec verve que tous ces transports ont été très nocifs à ces œuvres.
Voyez comme le tyran autoproclamé était infâme. Massacrer la jeunesse ET l’art. ET les droits des femmes, ET l’honneur de… ahem. Bravo quoi.
Vous pouvez-donc constater qu’Eugène était un partisan de laisser les œuvres, surtout les vestiges archéologiques, où elles se trouvent. Ce qui se défend tout à fait. Dans une salle aseptisée de musée, un bout de monument seul comme ça, hors contexte, perd beaucoup de son identité, de son essence. Non, mais c’est vrai, allez dans la section des arts africains, océaniens et américains du Louvre. Je suis très exaltée de voir ses œuvres, d’avoir des fragments de culture de l’autre bout du monde et du temps sous les yeux, d’admirer leur beauté, mais ça fait vraiment étrange de les voir là, complètement coupés de leurs origines, simplement posé là, entre 4 murs blancs et muets (et froids). Quelque part c’est lugubre, et je me prend à tenter d’imaginer ce que ça donnerait, replacé dans le contexte, dans leur environnement d’origine, et je dois dire que forcément, c’est autre chose.
Bien sûr quand ce sont des réfugiés politiques, déjà déplacés de leur contexte par les troubles extérieurs, c’est un bon asile. Et c’est quand même magnifique d’avoir à disposition des objets de toutes les cultures, de tous les temps, rassemblés de façon logique, hein. Mais quand même, quand je vois cette pauvre stèle maya, absolument magnifique au demeurant, on me l’offre, bien sûr je préférerais la mettre chez moi que la remettre dans un coin de monument en ruine dans le fin fond du trou oculaire du Yucatan, mais quelque part j’aimerais mieux la voir à l’endroit qu’on lui avait choisis à l’origine, et telle qu’elle était placée… c’est à dire dans le beau monument flambant neuf avec des tas de chevelus en pagne autour. Et oui, c’est ça le problème, on ne peut pas remonter le temps. Tempus edax rerum.
bon, ok, on ne voit pas grand chose, mais c’est la seule photo de cette stèle que j’ai trouvé.
Les historiens sont des nécromants ([racontage de vie/ ON] j’avais casé ça dans un partiel une fois. Textuellement. Et j’ajoute que je suis très fière d’être apprentie nécromante. D’ailleurs ça y est j’ai mon foutu papier d’amour, je peux accrocher ma licence de nécromancie sur mon mur !!! [racontage de vie/OFF]), certes, mais ils ne pourront jamais faire revenir le passé (ouais là faut relire le début de la phrase en fait).
Tout ça pour dire, ben j’aime quand même fanatiquement les musées, même si ça fait cimetière quelque part, comme le disent certains. Hmm, ouais je suis extrêmement nécrophile en fait.
Et donc, pour en revenir à Eugène d’amour (aucun lien avec l’assertion précédente) et bien, il a tout expliqué mieux que moi. Ça aloooors.
Adressez-lui vos louanges la prochaine fois que vous brûlerez de l’encens.
Au fait, non seulement Eugène aimait le gothique, mais aussi les Aztèques et les Mayas. Si ce n’est pas l’homme parfait, ça. Il a même écrit sur leur art et architecture. Et oui. Introduction au Voyage au Mexique de Désiré Charnay.
AH. Une autre anecdote amusante concernant les musées et le XIXe siècle : on considérait que c’était un endroit très peu approprié aux « jeunes filles et aux honnêtes femmes »
La raison ? dans un musée, fatalement, à un moment ou à un autre, le chaste regard d’une demoiselle ou d’une dame va tomber sur une sculpture grecque d’un dieu nu, sur un vase représentant des athlètes Grecs nus, sur un tableau représentant un Héros Grec nu (plus rare quand même) que sais-je, sur une momie de dignitaire égyptien nu (oui parce qu’il n’y a pas que les Grecs pour se balader nus, quand même… enfin ...), bref, la virilité ainsi exposée va la choquer. En fait, on pensait plutôt que cette exhibition de nudité mâle provoquait une excitation sexuelle. Bah voyons. La femme, quelle perverse salace alors, c’est sûr que c’est super excitant de voir un bloc de marbre sous la forme d’un barbu à poil, surtout vu les poses super suggestives, ahlalalala. Bon, d’accord, le supplice de Marsyas ( qui fut écorché sur ordre d’Apollon, pour la petite histoire, parce que c’est vrai que les mythes Grecs, c’est cool) présente une pose suggestive, et encore, il faut être déviant. C’est pas pour autant qu’on va vouloir violer la statue quand même ! Racontez votre expérience ! (quelqu’un a déjà violé une statue ?XD A part Pygmalion ? Tiens oui, maintenant que j'y pense, mon esclave l'a fait)
en bonus une autre statue avec une pose indécente :
enfin quoi ce n’est pas indécent, c’est de l’art ! là, c’est l’esclave mourant, de Michel-Ange. excusez du peu.
Par contre, les hommes sont bien sûr à l’abri de toute espèce d’excitation de ce genre, ce sont des esthètes, eux, ils ne voient que la beauté, le génie, l’Art, alors ils peuvent mater tous les tableaux de nanas à poil dans des poses lascives représentant soit-disant des déesses (Grecques) c’est sûr, c’est marqué sur son front, tiens. ON A DIT SON FRONT.
Quelle hypocrisie quand même.
La naissance de Venus, par Cabanel, 1875. (il n’y a qu’au partiel que j’ai oublié son nom) les critiques y ont quand même vu une « prostituée en pâte d'amande rose» ou quelque chose de ce genre. non mais ça se voit que c’est une scène mythologique, voyons ! A noter que Cabanel est le type même de l'artiste "pompier", à savoir qui peint ce qui plaît au public, ce que le public veut voir (au contraire des romantiques, tels maître Delacroix, qui peignent ce qui leur plaît comme ça leur plaît, et Dieu reconnaîtra les siens...ou devinez qui... hey pas ma faute si Lucifer était à la mode chez les romantiques quand même!)et donc, au vu de cette toile, que voulait le public mâle XIXe d'après vous, hmmm?
N’empêche, je crois que je vais faire un master XIXe l’an prochain. Egyptologie et XIXe ça serait possible ?
Vale, et que la vapeur des encens lorsque vous vous ferez un piercing à la langue vous apporte les visions de vos glorieux ancêtres en pagne.
Vale, et que la vapeur des encens lorsque vous vous ferez un piercing à la langue vous apporte les visions de vos glorieux ancêtres en pagne.