(…)Souvent, dit-on, son ardente fureur s'exhala en cris aigus, échappés du fond de son âme : tantôt, inconsolable, elle gravit les monts les plus escarpés et promène au loin ses regards sur l'immensité des mers ; tantôt, enlevant ses riches brodequins, elle lutte, les jambes nues, contre les vagues frémissantes. Telles furent les dernières paroles qui s'échappèrent de ses lèvres glacées à travers les sanglots qui soulevaient son sein baigné de larmes :
«Ainsi donc, perfide Thésée, après m'avoir enlevée du palais de mon père, tu m'abandonnes sur cette plage déserte ? Ainsi donc, au mépris de la Divinité, tu t'éloignes oubliant tous tes serments, tu retournes dans ta patrie, chargé du poids d'un parjure ? Rien n'a donc pu te détourner de ce cruel dessein ? Barbare ! nulle pitié n'a donc pu toucher ton coeur impitoyable ! Sont-ce là les promesses que ta bouche m'avait faites, l'espoir dont tu berçais ta malheureuse amante, quand tu m'entretenais de nos joyeuses noces, de cet hymen objet de tous mes voeux ? frivoles promesses, vain espoir qu'ont emportés les vents ! Quelle femme désormais pourra croire aux promesses d'un amant, pourra compter sur la fidélité de sa parole ? sexe trompeur ! Quand ils sont embrasés des feux du désir, serments, promesses, rien ne leur coûte, rien ne les arrête ; mais, leur passion une fois satisfaite, ils oublient tout, et le parjure même n'est qu'un jeu pour eux. »
Ainsi Ariadne goûtait-elle aux joies de la lâcheté humaine, encore plus insupportable lorsqu’elle s’en prend à ce qu’il y a de plus sacré pour une femme (nan je ne parle pas d’argent). Si elles étaient moins niaises aussi. Certaines versions disent qu’elle est morte de chagrin, ou bien qu’elle s’est faite achever par Artémis (parce que les lamentations ça devient saoulant à un moment) mais le mythe le plus répandu veut que Dionysos ait pointé le bout de ses charmantes bouclettes dans le coin.
ceint de lierre, son végétal fétiche, expansif et exubérant, qui selon Sauron (l’historien pas le seigneur du Mordor) pourrait symboliser Marc Antoine sur l’Ara Pacis, en opposition à la sage feuille d’acanthe apollonienne d’Auguste. Marc Antoine se présentait comme Neos Dionysos, soit le Nouveau Dionysos, excusez du peu. Ahah, pour le coups, il se croyait vraiment sorti de la cuisse de Jupiter \o/ *fière d’avoir casé une blague d’historien foireuse*
Et il y avait grave opposition entre Apollon et Dionysos, malgré des similitudes troublantes (notamment au niveau bouclettes. Non, sincèrement, arborer une capillarité étendue était leur apanage. Pas exclusif, n’est-ce pas, mais une convention, comme la nudité héroique. Ouais, et divine)
Dionysos, Liber, Bacchus, dieu des mystères, connu sous bien d’autres noms encore.
Son culte a été introduit tardivement, comme indiqué dans les mythes eux-mêmes et tel que le rapporte Ovide, ce qui indique à mon sens un syncrétisme incluant une influence étrangère. D’ailleurs, lorsque Dionysos débarque sur Dia/Naxos, il revient tout juste de l’Inde exotique dont il rapporte les mystères. (il m’évoque Krishna comme ça, non ?)
(cherchez pas, j’avais juste envie de mettre une illu de Krishna. N'empêche qu'ils jouent de la flûte tous les deux.Tiens, une myth cloth qui traîne, étonnant)
Tout enveloppé des parfums de l’Orient, en triomphe sur son char d’or où sont attelées des panthères (qu’il prend pour monture à l’occasion), dans toute sa majesté, lui, le dieu des ivresses et des passions, de l’exubérance, de l’éternelle jeunesse, des secrètes initiations, le voici devant Ariadnè éplorée, devant Ariadnè morte. (de là à dire qu’il est nécrophile… ouuf ça faisait au moins deux articles que je n’avais pas écrit ce mot, ça devenait intenable)
Et lui, dieu de la régénérescence, il lui rend la vie qui avait déserté son cœur immolé. Il fait même plus que lui rendre sa dignité humaine, car elle était déshumanisée, ravalée au rang d’objet, même pas d’animal, et c’est ce que montre bien le passage de Catulle indiquant qu’elle a laissé choir ses vêtements et ses parures. Ce qui faisait d’elle un être humain, doué de vie et de sentiments, reconnu comme tel, ayant été bafoué et renié avec sa personne. Et bien là, dépouillée de son essence humaine, elle acquière une essence divine.
En effet, Ariadnè portrait encore une couronne, symbole de vaine gloire mondaine, que Dionysos transforma en constellation, Corona Boeralis, la couronne boréale.(et qui dit constellation dit myth cloth, c’est bien connu) Je veux pas dire, mais ça a quand même pas mal de gueule les démonstrations d’amour d’un dieu.
Un dieu ne promet rien, il agit. Dionysos ne promit pas son amour, il le donna.
Et on en profite pour illustrer avec une œuvre de Delacroix <3
Bacchus revenant des Indes rencontre Ariane abandonnée ou L'Automne
1856-1863
Ariadnè est représentée comme étant encore sous le coups mortel du coeur assassiné, les jambes raides, le corps mort, la tête baissée, toujours plongée dans les brumes des espoirs déçus et de la confiance trahie. L’horizon derrière elle est vide, et c’est là-dessus qu’elle se concentre. Elle ne voit pas qui lui tend la main, elle ne voit pas la splendeur de la divinité, mais elle opère déjà un mouvement ascensionnel de renaissance. Les mains croisées, en communion, me rappellent –sans obsession aucune de ma part pour le sujet, bien sûr- celles qui sont au centre de la Barque de Dante. Mais ici, c’est le regard de Dionysos sur Ariadnè qui est au centre du tableau. Du moins dans la diagonale qui part du haut à gauche. L’union de ses mains annonce celle des deux personnages que confirme le putto brandissant allègrement une guirlande de pure tradition antique.
Dionysos, dieu de renaissance, de la régénération, fait revivre le corps et le cœur morts d’Ariadnè, il en fait sa déesse. On peut dire qu’elle n’a rien perdu au change…
En tant que divinité, elle est assimilée, telle une nouvelle Perséphone, à la régénérescence, de la vigne, cette fois, au vu des attributions de Dionysos.
Le titre d’automne n’a rien à voir avec le sujet, Delacroix avait été commissionné pour faire un tableau avec un thème antique pour chaque saison, sans qu’il y ait forcément un rapport. Si je devais donner une saison à ce tableau, je dirais qu’il s’agit plutôt du printemps, ou de la fin de l’hiver. La terre morte et gelée contient en elle les germes de sa régénérescence qui s’opère au printemps, et la renaissance est justement le thème de cette toile, à mon sens.
L’Antiquité livre de belles scènes montrant les deux éternels amants, dont l’histoire, étant heureuse, n’est pas intéressante à raconter.
cratère fin époque classique, musée de Tolède. Il a encore torché tout le monde au concours de boisson
coupe de Nola, fin classique. Là, il en a abusé et il se retrouve avec la lyre apollinienne à carapace de tortue. wtf?
cratère attique à figure rouge, classique, musée de Naples
Quant à Thésée, il avait par ailleurs d’autres qualités qui en ont fait un héros apprécié des athéniens, qui méprisaient naturellement les femmes. (bien sûr, il n’y avait pas qu’eux, hein, mais Pandore ou la bonne excuse pour accuser les femmes de tous les maux, c’était grec quand même) Garder Ariane avec lui aurait sans doute évité bien des déconvenues, mais mieux vaut être avec un dieu quand on en a l’occasion, hein. Ses hauts faits d’armes ne l’ont pas empêché d’être assez stupide pour accepter de suivre un ami chez Hadès pour tenter d’enlever… Perséphone. Il a pu constater le sens de l’hospitalité du dieu des Enfers, soyez-en sûr. Pour comble de parjure, il se maria à la sœur d’Ariane, Phèdre, perverse manipulatrice, qui lui valut beaucoup d’ennuis. Hyppolite, vous savez.
Nous avons différents niveaux de lecture derrière ce mythe.
Lecture historique :
Suprématie de la Crète sur Athènes symbolisé par le tribut des athéniens
Allégorie des palais crétois transposés en labyrinthe (faut voir le bordel)
Culte taurique minoen
Affirmation du rôle social de la femme à travers le filage, du rôle social de l’homme à travers la guerre.
Influence orientale du culte dionysiaque
Propagation du culte d’Ariane depuis les îles grecques
cette fresque minoenne n’est absolument pas extrêmement connue
Au niveau interprétation symbolique capillotracté on pourrait y voir :
Ariane comme initiatrice : par son aide Thésée retrouve la lumière après un cheminement dans son labyrinthe intérieur où il doit affronter ses propres démons, personnifiés par le Minotaure. Elle lui a donné les armes pour vaincre.
Puis Ariane comme initiée : Thésée l’initie à l’amour puis l’abandonne. Le véritable initiateur aux mystères arrive ensuite : Dionysos. C’est lui qui sort Ariane de son propre labyrinthe.
On peut considérer que l’initiation à l’amour, quoique cruelle puisque se soldant par un avilissant abandon, est un mal pour un bien. Je ne vois pas Dionysos comme l’époux, le mâle dont le soutien est indispensable à Ariane pour vivre, puisque l’expérience a tendu à démontrer la lâcheté masculine et le fait que la femme peut bien s’en passer. Il est plutôt le moteur, divin, qui permet une régénérescence, une renaissance, s’extrayant du bassement humain, pour chercher au-delà, une félicité qui ne doit rien aux mortels, et surtout pas aux hommes. Une façon de redresser la tête et de vivre pour soi-même enfin, et non pas dévouée à un indifférent. Vivre dans l’exubérance, l’ivresse des sens et la passion libérée, pour soi.
Non parce que si vous attendez un dieu grec, vous pouvez attendre longtemps, surtout un Dionysos, qui fait figure d’exception dans la fidélité, la plupart des autres immortels étant encore plus infâmes niveau lâcheté et mœurs dépravées que les mortels. Ah, mais lui, c’est un demi-dieu. Raconter sa naissance sera une excellente excuse pour caser une toile de Moreau <3
Autrement, on peut y voir une apothéose, une épiphanie, qui pourrait signifier qu’elle est vraiment morte physiquement, et que l’apparition de Dionysos soit le symbole de l’espoir d’une renaissance divine dans l’autre monde. J’avais déjà évoqué dans un précédent article l’association de Dionysos à Osiris, dans ce sens.
Si on veut pécher du côté de l’
hindouisme, (zut quoi, fallait pas me dire qu’il est allé en
Inde )
Dionysos pourrait être le signe qu’elle prend conscience, à travers l’amour, de son pouvoir, la
révélation qu’elle est l’é
nergie, la
shakti,
principe féminin dynamique, qui permet au monde d’
exister, d’être et de
devenir. En
gros.
fresque romaine du ier siècle, Getty museum qui montre qu’Ariane a tout compris à la vie. Sex, drug and rock & roll, ou vinasse, transe et déhanchement bacchique
Lecture athée :
Si on enlève les dieux, on a une fille qui du jour au lendemain s’est fait abandonner par celui qu’elle aimait, sans explication. Une histoire vieille comme le monde.
Morale de l’histoire :
L’amour divin prévaut sur l’amour humain. Aller, on se fait nonne.
La vinasse, y’a que ça de vrai.
Dans une transposition contemporaine du mythe, je verrais bien Ariane se faire abandonner sur une aire d’autoroute par son petit copain, pour se faire récupérer par le leader de son groupe favori. Hell, yeah.
Ouais, parfaitement, un truc qui n’arrive jamais dans la réalité. Dans la réalité, les leaders de groupes favoris se mutilent le crâne. Triste monde.
un
site avec une iconographie extrêmement complète sur le thème, où l’on s’aperçoit qu’il a été prétexte à peindre de la jeunette dévêtue.
Ah, et en ce moment, il y a des représentations de
Ariadne auf Naxos à l’opéra Garnier. Ce n’était même pas calculé. Non mais l’affiche c’est du Klimt quoi. J’aimerais bien y assister, mais sans aller
là.
***
Une haute pyramide, dont le sommet est invisible car caché dans la lumière aveuglante du soleil triomphant. Un monument impressionnant, mais on raconte que bien des merveilles se trouvent à son sommet. Une personne aimable s’en vient, les yeux souriants, prend la main, et invite à monter les degrés. Ce n’est pas évident, mais ce sourire, ce regard et ces paroles aimantes font surmonter l’impossible. Le voyage est beau et très plaisant. Serait-on au sommet de la pyramide ? non, juste à un pallier, la vue est déjà magnifique, mais a l’air plus sublime encore au dessus. De sombres augures voilent brièvement le ciel, mais quelques mots d’amour rassurent, et l’on a hâte de poursuivre la progression, de donner davantage.
Une pierre de sacrifice, un couteau d’obsidienne, une cardiectomie sauvage, et le corps poussé du pied qui se retrouve à dévaler les marches de façon grotesque. Tout cela en une seconde à peine. Visions du ciel et de l’enfer à toute vitesse, la pierre qui tranche la chair, les cheveux qui étranglent, le corps vide et mort sur lequel on n’a plus aucune prise. En bas, l’immobilité enfin, les yeux écarquillés sur le ciel immense et vide, qui n’a aucune explication à donner. Tout est ombre. Une chose molle dévale à son tour l’escalier et percute tendrement le visage en s’évidant un peu partout de sa substance. Un organe encore chaud, encore palpitant, maculé de sang et de poussière, fendu de part en part. une chose qui était un cœur offert. On ne le brûlera pas sur le quauhxicalli, il ne sert à rien, la victime n’avait pas assez de valeur, elle n’a pas fait la guerre fleurie. Un sacrifice pour rien.
Mais surtout, plein de bonheur.
Personne n’est jamais revenu de chez le seigneur de Mictlan pour dire s’il y en avait…
Et une seule interrogation.
Mais WHAT THE FUCK ???
***
Bon, et pour récompenser les rares lecteurs qui n’ont du attendre que cela depuis le début, une illu de st Seiya, parce que j’en ai vu passer en rédigeant cet article.
Bon, on est encore au mois du Sagittaire, mais je ne suis pas fan d’Aiolos (mon dieu, un prénom vraiment grec qui veut dire quelque chose. Pour vous prouver qu’on peut parler culturel à partir des chevaliers du zodiaque, apprenez qu’aiolos signifie « mobile, agile, rusé » (toujours pratique quand on tire à l’arc) et que c’est la version originale du nom du dieu Eole. Aiola, (le frère Aiolos, plus connu en France sous celui de Ayor, comme quoi ils se sont vraiment cassé le fondement pour trouver les noms ) c’est la même chose, mais… au féminin. Ayor est donc un travesti ou un transsexuel, ou un hermaphrodite, ajoute ta suggestion)
alors on va mettre le chevalier du
Capricorne. Pas que j’en sois particulièrement fan non plus, mais j’aime bien me payer sa tête. Et puis Mars dans le Capricorne.
Shura, donc. D’après vous il:
- invite à danser une gavotte (il a bien le droit d’être celtibère si ça lui chante)
- a une attaque spéciale consistant à frapper son adversaire uniquement avec ses auriculaires
- est une précieuse
- a un modelé capillaire désastreux
- a une attaque spéciale consistant à danser la gavotte et a asséner des coups à son adversaire avec ses auriculaires sous la menace d’airs précieux et d’une coupe de cheveux affligeante
image piquée ici, dans l’article de la
Désencyclopédie consacrée à ce monument de la culture contemporaine, poil à la naine.
Si vous voulez m’achever, faites vous (/moi) plaisir. Hypnos me tient. Son frère est à ses côtés.
Vale