Vendredi 17 décembre 2010 à 2:43

 C’est ce que me dit mon thé ayurvédique. Oui, je bois du thé ayurvédique et il me cause. Grâce à lui j’ouvre mes chakras et je chante ohm toute la journée.

Ou pas.

décembre. Comme son nom ne l’indique pas, le douzième mois de l’année (étymologiquement, c’est le dixième). La mort de l’année. Aller, une cinquième mort symbolique, on n’est plus à ça près. Le froid qui rigidifie le corps comme un cadavre et la neige qui donne envie de se tailler les veines dessus. (état normal de la monomaniaque). Bon, il n’y a plus de neige, là c’est vraiment déprimant. (où on se  taille les veines maintenant ?)

le mois où chacun s’apprête plus ou moins de bonne grâce à célébrer –ou à subir- les festivités de la fin de l’année, résidus d’une très ancienne fête païenne dédiée au solstice. On est toujours des païens, les enfants. Célébrons la naissance de Sol Invictus.

Donc le 22 décembre, tout le monde au pagan metal, heathen.

Un temps parfait pour rester sous la couette avec un thé bien chaud à se mater le chapitre Asgard ou à réviser sa mythologie, ou à relire At the mountains of madness. Un temps parfait pour crever, aussi. Je sais que j’ai un sujet sur les enfers à livrer, mais là je suis en pleine visite. Et j’ai dit que ça serait quand j’aurais vu le chapitre Hadès alors on n’y est pas encore.

 

(non ,mais, deux secondes, comment vous voulez que je passe au travers de st Seiya quand chaque fois que je fais une recherche image sur la mythologie je tombe sur un chevalier du zodiaque ? hein ?? toutes les illus de mes articles pourraient être faites avec, sans déconner, d’ailleurs je testerai un jour, ça pourrait être fendard.)

 

En plus de mon obsession pour les dieux des enfers et, en ce moment, d’Hypnos et de Thanatos, (vas-y tape ça dans gogole tu vas voir sur quoi tu tombes) il y a aussi une fascination certaine pour la figure dionysiaque et ce qui y est rattaché. Notamment, en ce moment, l’histoire d’Ariane

 

Ariadnè, fille de Minos, souverain de Crète (et accessoirement ensuite juge aux Enfers, encore une figure de la mythologie qui me botte, surtout quand on voit la dégaine des crétois. Ici, vue d'Egypte. ah, Keftiou.
http://www.egiptoantiguo.org/foro/attc_foro/keftiu_148.jpg(et accessoirement, encore une recherche image qui aboutit à mater de la myth cloth) (je résisterai, je préfère celle de Thanatos, d’abord)

 

Minos, donc, qui exigeait un tribut des Athéniens (O andres athenaioi) qui étaient sous leur joug : chaque année (ou tous les 7 ans, ou aux calendes grecques, suivant les versions), ils devaient sacrifier 14 jeunes gens pour nourrir le Minotaure, monstre mi homme-mi taureau né des mœurs détraquées de l’épouse de Minos qui avait une… affection très marquée pour un taureau (je crois que c’est celui de la constellation du même nom). Rien que de très normal, dans la mythologie grecque.

Or, parmi ces jeunes gens était Thésée, fils du roi d’Athènes, qui s’était joint volontairement au groupe sacrificiel pour mettre fin aux exactions de Minos. C’était un héros, il est donc fréquemment représenté à poil. (cf. article des tyrannochtones sur les conventions de la représentation du héros grec) 
http://www.theoi.com/image/T34.8Minotauros.jpg

il n’est pas à poil mais ce n’est pas loin. On remarque surtout que sa coupe semble droit sortie des 80’s

Mais gageons que ce n‘est pas pour cela qu’Ariadnè tomba amoureuse de lui, et voulu lui éviter une mort atroce. Plongés dans le labyrinthe où créchait le Minotaure, Thésée parvint à s’en sortir grâce au fil confié par Ariane lui permettant de ne pas se perdre, ainsi qu’à l’épée qui lui servit à occire l’hybride, qui était tout de même le demi-frère de la donzelle.

http://lostsoulslair.cowblog.fr/images/MoreauAtheniensliberesduMinotauredansleLabyrinthe.jpg

une toile de Gustave Moreau représentant Thésée et ses potes dans le labyrinthe s’est glissé dans l’article, saura-tu la retrouver ?

 

 http://www.readthehook.com/art/wp-content/uploads/2010/10/ariadne.jpg

Ariadne and Theseus. John Raphael Smith, 1788

Ce trait m’a fortement rappelé celui de Füssli, et il semblerait qu’il y ait effectivement influence. On ne me la fait pas à moi, non mais.

Ariadnè abandonna tout pour le jeune homme : famille, amis, patrie, elle s’enfuit avec Thésée qui lui fit de nombreuses et merveilleuses promesses, lui dessinant un avenir radieux dans lequel ils seraient tous deux.

Et là c’est le drame. S’arrêtant à Naxos (Dia) pour la nuit, Ariane s’endort, du sommeil serein de ceux qui aiment et ont confiance. Sans doute Thésée lui a t’il encore glissé à l’oreille avant qu’elle s’endorme de douces paroles. Trompeuses et vides de sens, puisqu’il rassemble alors tout son courage pour… l’abandonner. Et faire route seul pour Athènes.

Scène souvent dépeinte dès l’Antiquité, et plus encore depuis. Sur les cratères et autres céramiques d’époque classique, Ariadnè est souvent représentée tournée vers le spectateur, le visage de face, ce qui symbolise une isolation, la convention de représentation étant le profil.

http://www.theoi.com/image/N13.3Hypnos.jpg

 musée de tarente, poil à la tarentule.

Comme elle a l’air confiante et heureuse ! un petit Hypnos accroupi sur son front indique qu’elle est plongée dans un profond sommeil. Ergo, si vous avez mal à la tête en vous réveillant, c’est que Hypnos a besoin d’un petit régime.

 

http://www.theoi.com/image/N13.4Hypnos.jpg

classique tardif, conservé à Boston

 

Là, toujours Hypnos, plus grand, verse l’eau du Léthé sur son front. Le Léthé, qui provoque l’oubli, et que boivent les morts sur le point de se réincarner afin de tirer un trait sur leurs vies passées. Ce qui montre bien les liens qu’Hypnos entretient avec son frère Thanatos

Oui, bon, là Thésée est de face aussi, il faut toujours que les héros se fassent remarquer.

 

Athéna est présente sur les deux scènes. C’est elle qui aurait commandé à Thésée de partir sans délai, selon certaines versions ,qui n’en donnent pas d’explication. Pourquoi aurait-elle poussé à l’abandon de la jeune fille ? m’est avis qu’elle ne voulait pas d’une crétoise sur le trône d’Athènes. En fait, c’était surtout pour ne pas trop entacher Thésée d’une action plus que déshonorante. Toujours est-il qu’il ne se fit pas prier pour commettre son parjure, puisque c’est bien connu, une fille amoureuse, c’est très encombrant, surtout pour un jeune homme. Oulà, et puis là c’est un Grec, en plus. Non, ce n’est pas un cliché. Et puis peut-être qu’elle était chiante Ariane, hein, on ne sait pas, peut-être elle avait des tares physiques et mentales. Ou alors juste c’était une fille quoi.

Une autre version cherchant à excuser notre zéro dit qu’il était dans le bateau avec tout son équipage, mais bizarrement pas avec Ariane endormie sur la berge, qu’il ne voulait pas l’abandonner, mais que, oh, tiens, le vent s’est soudain levé et le navire est parti tout seul, dis ! pas moyen de l’arrêter ce bougre de chair à bûcher ! et pis vlà ti pas qu’en rev’nant, (car des versions disent genre que Thésée serait revenu…) cette traînée était d’jà plus là, partie fricoter avec on n’sait qui. Toutes des salopes.

 

Donc, le navire parti, Ariane au matin ne peut que constater qu’elle est livrée à elle-même. Elle qui s’était entièrement abandonnée à son amant, qui lui avait tout sacrifié, elle se retrouve abandonnée sur une île (autant dire une prison) et… non, même pas sacrifiée, simplement jetée là comme un déchet quelconque et inutile, comme un objet encombrant, sans valeur et ne méritant aucune considération. Niveau insulte, c’est balaise.

 

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« hey, t’as vu, ton mec se barre sans toi ! non mais t’as vu, hein ? » fresque de Pompeï, Ier siècle, musée de Naples

 

Bien sûr, il y a de quoi avoir la rage, et les lamentations d’Ariane sont très bien rapportées par Catulle  (que je confond toujours avec Salluste, sans raison, puisqu’ils n’ont absolument rien à voir l’un avec l’autre, et dont je ne peux me souvenir qu’en rapprochant son nom de fistule. Charmant) auteur du Ier siècle avant notre ère, dans son  poème XLIV, noces de Thétis et de Pélée.

 

«  On y voit Ariane, le coeur gros des fureurs d'un amour indomptable, qui, des rivages bruyants de Naxos, regarde s'éloigner les rapides vaisseaux de Thésée. Elle les voit ; mais à peine échappée aux trompeuses douceurs du sommeil, et seule, abandonnée sur une plage déserte, l'infortunée ne peut en croire ses yeux. Cependant son ingrat amant fend les flots à force de rames ; il fuit, et les vents emportent ses vaines promesses. Les yeux baignés de larmes, mais immobile, comme la statue de marbre d'une Bacchante, elle voit le parjure, elle le voit ; et son esprit incertain flotte au gré de mille sentiments opposés. Plus de réseau qui captive les tresses de ses blonds cheveux ; plus de voile qui couvre son sein ; plus d'écharpe qui retienne sa gorge haletante. Elle s'est dépouillée de tous ses ornements, ils sont tombés à ses pieds ; et les flots de la mer se jouent de ces vaines parures. Et que lui font et son réseau d'or et ses vêtements qui flottent au gré des ondes ; dans son délire, c'est Thésée qui remplit toute son âme ; Thésée qui absorbe toutes ses pensées ; Thésée qu'appellent tous ses voeux.

(…)Souvent, dit-on, son ardente fureur s'exhala en cris aigus, échappés du fond de son âme : tantôt, inconsolable, elle gravit les monts les plus escarpés et promène au loin ses regards sur l'immensité des mers ; tantôt, enlevant ses riches brodequins, elle lutte, les jambes nues, contre les vagues frémissantes. Telles furent les dernières paroles qui s'échappèrent de ses lèvres glacées à travers les sanglots qui soulevaient son sein baigné de larmes :

«Ainsi donc, perfide Thésée, après m'avoir enlevée du palais de mon père, tu m'abandonnes sur cette plage déserte ? Ainsi donc, au mépris de la Divinité, tu t'éloignes oubliant tous tes serments, tu retournes dans ta patrie, chargé du poids d'un parjure ? Rien n'a donc pu te détourner de ce cruel dessein ? Barbare ! nulle pitié n'a donc pu toucher ton coeur impitoyable ! Sont-ce là les promesses que ta bouche m'avait faites, l'espoir dont tu berçais ta malheureuse amante, quand tu m'entretenais de nos joyeuses noces, de cet hymen objet de tous mes voeux ? frivoles promesses, vain espoir qu'ont emportés les vents ! Quelle femme désormais pourra croire aux promesses d'un amant, pourra compter sur la fidélité de sa parole ? sexe trompeur ! Quand ils sont embrasés des feux du désir, serments, promesses, rien ne leur coûte, rien ne les arrête ; mais, leur passion une fois satisfaite, ils oublient tout, et le parjure même n'est qu'un jeu pour eux. »

Ainsi Ariadne goûtait-elle aux joies de la lâcheté humaine, encore plus insupportable lorsqu’elle s’en prend à ce qu’il y a de plus sacré pour une femme (nan je ne parle pas d’argent). Si elles étaient moins niaises aussi. Certaines versions disent qu’elle est morte de chagrin, ou bien qu’elle s’est faite achever par Artémis (parce que les lamentations ça devient saoulant à un moment) mais le mythe le plus répandu veut que Dionysos ait pointé le bout de ses charmantes bouclettes dans le coin.
http://www.mediterranees.net/civilisation/religions/dionysos/images/dionysos.jpg
ceint de lierre, son végétal fétiche, expansif et exubérant, qui selon Sauron (l’historien pas le seigneur du Mordor) pourrait symboliser Marc Antoine sur l’Ara Pacis, en opposition à la sage feuille d’acanthe apollonienne d’Auguste. Marc Antoine se présentait comme Neos Dionysos, soit le Nouveau Dionysos, excusez du peu. Ahah, pour le coups, il se croyait vraiment sorti de la cuisse de Jupiter \o/ *fière d’avoir casé une blague d’historien foireuse*
Et il y avait grave opposition entre Apollon et Dionysos, malgré des similitudes troublantes (notamment au niveau bouclettes. Non, sincèrement, arborer une capillarité étendue était leur apanage. Pas exclusif, n’est-ce pas, mais une convention, comme la nudité héroique. Ouais, et divine)
 
 
Dionysos, Liber, Bacchus, dieu des mystères, connu sous bien d’autres noms encore.
 Son culte a été introduit tardivement, comme indiqué dans les mythes eux-mêmes et tel que le rapporte Ovide, ce qui indique à mon sens un syncrétisme incluant une influence étrangère. D’ailleurs, lorsque Dionysos débarque sur Dia/Naxos, il revient tout juste de l’Inde exotique dont il rapporte les mystères. (il m’évoque Krishna comme ça, non ?)
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(cherchez pas, j’avais juste envie de mettre une illu de Krishna. N'empêche qu'ils jouent de la flûte tous les deux.Tiens, une myth cloth qui traîne, étonnant)
 
Tout enveloppé des parfums de l’Orient, en triomphe sur son char d’or où sont attelées des panthères (qu’il prend pour monture à l’occasion), dans toute sa majesté, lui, le dieu des ivresses et des passions, de l’exubérance, de l’éternelle jeunesse, des secrètes initiations, le voici devant Ariadnè éplorée, devant Ariadnè morte. (de là à dire qu’il est nécrophile… ouuf ça faisait au moins deux articles que je n’avais pas écrit ce mot, ça devenait intenable)
http://www.bacchos.org/diopanth1.jpg
 
Et lui, dieu de la régénérescence, il lui rend la vie qui avait déserté son cœur immolé. Il fait même plus que lui rendre sa dignité humaine, car elle était déshumanisée, ravalée au rang d’objet, même pas d’animal, et c’est ce que montre bien le passage de Catulle indiquant qu’elle a laissé choir ses vêtements et ses parures. Ce qui faisait d’elle un être humain, doué de vie et de sentiments, reconnu comme tel, ayant été bafoué et renié avec sa personne. Et bien là, dépouillée de son essence humaine, elle acquière une essence divine.
En effet, Ariadnè portrait encore une couronne, symbole de vaine gloire mondaine, que Dionysos transforma en constellation, Corona Boeralis, la couronne boréale.(et qui dit constellation dit myth cloth, c’est bien connu) Je veux pas dire, mais ça a quand même pas mal de gueule les démonstrations d’amour d’un dieu.
Un dieu ne promet rien, il agit. Dionysos ne promit pas son amour, il le donna.
 
Et on en profite pour illustrer avec une œuvre de Delacroix <3
http://www.reproarte.com/files/images/D/delacroix_eugene/0306-0287_bacchus_und_ariadne.jpg
Bacchus revenant des Indes rencontre Ariane abandonnée ou L'Automne 
1856-1863 
 
Ariadnè est représentée comme étant encore sous le coups mortel du coeur assassiné, les jambes raides, le corps mort, la tête baissée, toujours plongée dans les brumes des espoirs déçus et de la confiance trahie. L’horizon derrière elle est vide, et c’est là-dessus qu’elle se concentre. Elle ne voit pas qui lui tend la main, elle ne voit pas la splendeur de la divinité, mais elle opère déjà un mouvement ascensionnel de renaissance. Les mains croisées, en communion, me rappellent –sans obsession aucune de ma part pour le sujet, bien sûr- celles qui sont au centre de la Barque de Dante. Mais ici, c’est le regard de Dionysos sur Ariadnè qui est au centre du tableau. Du moins dans la diagonale qui part du haut à gauche. L’union de ses mains annonce celle des deux personnages que confirme le putto brandissant allègrement une guirlande de pure tradition antique.
Dionysos, dieu de renaissance, de la régénération, fait revivre le corps et le cœur morts d’Ariadnè, il en fait sa déesse. On peut dire qu’elle n’a rien perdu au change…
En tant que divinité, elle est assimilée, telle une nouvelle Perséphone, à la régénérescence, de la vigne, cette fois, au vu des attributions de Dionysos.
Le titre d’automne n’a rien à voir avec le sujet, Delacroix avait été commissionné pour faire un tableau avec un thème antique pour chaque saison, sans qu’il y ait forcément un rapport. Si je devais donner une saison à ce tableau, je dirais qu’il s’agit plutôt du printemps, ou de la fin de l’hiver. La terre morte et gelée contient en elle les germes de sa régénérescence qui s’opère au printemps, et la renaissance est justement le thème de cette toile, à mon sens.
 
L’Antiquité livre de belles scènes montrant les deux éternels amants, dont l’histoire, étant heureuse, n’est pas intéressante à raconter.
 
 
http://www.lornacahall.com/ariadneDionysos.gif
cratère fin époque classique, musée de Tolède. Il a encore torché tout le monde au concours de boisson
 
http://www.kzu.ch/fach/as/gallerie/myth/theseus/theseus_images/27_meleager.jpg
coupe de Nola, fin classique. Là, il en a abusé et il se retrouve avec la lyre apollinienne à carapace de tortue. wtf?
 
http://www.lornacahall.com/ariadnedio.gif
cratère attique à figure rouge, classique, musée de Naples
 
 
Quant à Thésée, il avait par ailleurs d’autres qualités qui en ont fait un héros apprécié des athéniens, qui méprisaient naturellement les femmes. (bien sûr, il n’y avait pas qu’eux, hein, mais Pandore ou la bonne excuse pour accuser les femmes de tous les maux, c’était grec quand même) Garder Ariane avec lui aurait sans doute évité bien des déconvenues, mais mieux vaut être avec un dieu quand on en a l’occasion, hein. Ses hauts faits d’armes ne l’ont pas empêché d’être assez stupide pour accepter de suivre un ami chez Hadès pour tenter d’enlever… Perséphone. Il a pu constater le sens de l’hospitalité du dieu des Enfers, soyez-en sûr. Pour comble de parjure, il se maria à la sœur d’Ariane, Phèdre, perverse manipulatrice, qui lui valut beaucoup d’ennuis. Hyppolite, vous savez.
 
Nous avons différents niveaux de lecture derrière ce mythe.
 
Lecture historique :
Suprématie de la Crète sur Athènes symbolisé par le tribut des athéniens
Allégorie des palais crétois transposés en labyrinthe (faut voir le bordel)
Culte taurique minoen
Affirmation du rôle social de la femme à travers le filage, du rôle social de l’homme à travers la guerre.
Influence orientale du culte dionysiaque
Propagation du culte d’Ariane depuis les îles grecques
 
http://faculty.colostate-pueblo.edu/beatrice.spade/history%20101/minoan/minoanbull.jpg
cette fresque minoenne n’est absolument pas extrêmement connue
 
Au niveau interprétation symbolique capillotracté on pourrait y voir :
Ariane comme initiatrice : par son aide Thésée retrouve la lumière après un cheminement dans son labyrinthe intérieur où il doit affronter ses propres démons, personnifiés par le Minotaure. Elle lui a donné les armes pour vaincre.
Puis Ariane comme initiée : Thésée l’initie à l’amour puis l’abandonne. Le véritable initiateur aux mystères arrive ensuite : Dionysos. C’est lui qui sort Ariane de son propre labyrinthe.
On peut considérer que l’initiation à l’amour, quoique cruelle puisque se soldant par un avilissant abandon, est un mal pour un bien. Je ne vois pas Dionysos comme l’époux, le mâle dont le soutien est indispensable à Ariane pour vivre, puisque l’expérience a tendu à démontrer la lâcheté masculine et le fait que la femme peut bien s’en passer. Il est plutôt le moteur, divin, qui permet une régénérescence, une renaissance, s’extrayant du bassement humain, pour chercher au-delà, une félicité qui ne doit rien aux mortels, et surtout pas aux hommes. Une façon de redresser la tête et de vivre pour soi-même enfin, et non pas dévouée à un indifférent. Vivre dans l’exubérance, l’ivresse des sens et la passion libérée, pour soi.
Non parce que si vous attendez un dieu grec, vous pouvez attendre longtemps, surtout un Dionysos, qui fait figure d’exception dans la fidélité, la plupart des autres immortels étant encore plus infâmes niveau lâcheté et mœurs dépravées que les mortels. Ah, mais lui, c’est un demi-dieu. Raconter sa naissance sera une excellente excuse pour caser une toile de Moreau <3
Autrement, on peut y voir une apothéose, une épiphanie, qui pourrait signifier qu’elle est vraiment morte physiquement, et que l’apparition de Dionysos soit le symbole de l’espoir d’une renaissance divine dans l’autre monde. J’avais déjà évoqué dans un précédent article l’association de Dionysos à Osiris, dans ce sens.
Si on veut pécher du côté de l’hindouisme, (zut quoi, fallait pas me dire qu’il est allé en Inde ) Dionysos pourrait être le signe qu’elle prend conscience, à travers l’amour, de son pouvoir, la révélation qu’elle est l’énergie, la shakti, principe féminin dynamique, qui permet au monde d’exister, d’être et de devenir. En gros
http://www.vroma.org/images/raia_images/bacchus_ariadne3.jpg
fresque romaine du ier siècle, Getty museum qui montre qu’Ariane a tout compris à la vie. Sex, drug and rock & roll, ou vinasse, transe et déhanchement bacchique
 
Lecture athée :
Si on enlève les dieux, on a une fille qui du jour au lendemain s’est fait abandonner par celui qu’elle aimait, sans explication. Une histoire vieille comme le monde.
 
Morale de l’histoire :
L’amour divin prévaut sur l’amour humain. Aller, on se fait nonne.
La vinasse, y’a que ça de vrai.
 
Dans une transposition contemporaine du mythe, je verrais bien Ariane se faire abandonner sur une aire d’autoroute par son petit copain, pour se faire récupérer par le leader de son groupe favori. Hell, yeah.
Ouais, parfaitement, un truc qui n’arrive jamais dans la réalité. Dans la réalité, les leaders de groupes favoris se mutilent le crâne. Triste monde.
 
 
un site avec une iconographie extrêmement complète sur le thème, où l’on s’aperçoit qu’il a été prétexte à peindre de la jeunette dévêtue.
 
Ah, et en ce moment, il y a des représentations de Ariadne auf Naxos à l’opéra Garnier. Ce n’était même pas calculé. Non mais l’affiche c’est du Klimt quoi. J’aimerais bien y assister, mais sans aller .
***
 
Une haute pyramide, dont le sommet est invisible car caché dans la lumière aveuglante du soleil triomphant. Un monument impressionnant, mais on raconte que bien des merveilles se trouvent à son sommet. Une personne aimable s’en vient, les yeux souriants, prend la main, et invite à monter les degrés. Ce n’est pas évident, mais ce sourire, ce regard et ces paroles aimantes font surmonter l’impossible. Le voyage est beau et très plaisant. Serait-on au sommet de la pyramide ? non, juste à un pallier, la vue est déjà magnifique, mais a l’air plus sublime encore au dessus. De sombres augures voilent brièvement le ciel, mais quelques mots d’amour rassurent, et l’on a hâte de poursuivre la progression, de donner davantage.
Une pierre de sacrifice, un couteau d’obsidienne, une cardiectomie sauvage, et le corps poussé du pied qui se retrouve à dévaler les marches de façon grotesque. Tout cela en une seconde à peine. Visions du ciel et de l’enfer à toute vitesse, la pierre qui tranche la chair, les cheveux qui étranglent, le corps vide et mort sur lequel on n’a plus aucune prise. En bas, l’immobilité enfin, les yeux écarquillés sur le ciel immense et vide, qui n’a aucune explication à donner. Tout est ombre. Une chose molle dévale à son tour l’escalier et percute tendrement le visage en s’évidant un peu partout de sa substance. Un organe encore chaud, encore palpitant, maculé de sang et de poussière, fendu de part en part. une chose qui était un cœur offert. On ne le brûlera pas sur le quauhxicalli, il ne sert à rien, la victime n’avait pas assez de valeur, elle n’a pas fait la guerre fleurie. Un sacrifice pour rien.
Mais surtout, plein de bonheur.
Personne n’est jamais revenu de chez le seigneur de Mictlan pour dire s’il y en avait…
 
Et une seule interrogation.
Mais WHAT THE FUCK ???
 
***
Bon, et pour récompenser les rares lecteurs qui n’ont du attendre que cela depuis le début, une illu de st Seiya, parce que j’en ai vu passer en rédigeant cet article.
Bon, on est encore au mois du Sagittaire, mais je ne suis pas fan d’Aiolos (mon dieu, un prénom vraiment grec qui veut dire quelque chose. Pour vous prouver qu’on peut parler culturel à partir des chevaliers du zodiaque, apprenez qu’aiolos signifie « mobile, agile, rusé » (toujours pratique quand on tire à l’arc) et que c’est la version originale du nom du dieu Eole. Aiola, (le frère Aiolos, plus connu en France sous celui de Ayor, comme quoi ils se sont vraiment cassé le fondement pour trouver les noms ) c’est la même chose, mais… au féminin. Ayor est donc un travesti ou un transsexuel, ou un hermaphrodite, ajoute ta suggestion)
alors on va mettre le chevalier du Capricorne. Pas que j’en sois particulièrement fan non plus, mais j’aime bien me payer sa tête. Et puis Mars dans le Capricorne.
http://lostsoulslair.cowblog.fr/images/Shuralindexaussitantquafaire.jpg
Shura, donc. D’après vous il:
  •  invite à danser une gavotte (il a bien le droit d’être celtibère si ça lui chante)
  •  a une attaque spéciale consistant à frapper son adversaire uniquement avec ses auriculaires
  • est une précieuse
  • a un modelé capillaire désastreux
  • a une attaque spéciale consistant à danser la gavotte et a asséner des coups à son adversaire avec ses auriculaires sous la menace d’airs précieux et d’une coupe de cheveux affligeante
 
image piquée ici, dans l’article de la Désencyclopédie consacrée à ce monument de la culture contemporaine, poil à la naine. 
 
Si vous voulez m’achever, faites vous (/moi) plaisir. Hypnos me tient. Son frère est à ses côtés.
 
Vale
 

Samedi 20 novembre 2010 à 23:33

 ‛Ύπνος ἀδελφός ἐστί Θάνατου

http://www.jwwaterhouse.com/paintings/images/waterhouse_sleep_and_his_half_brother_death.jpg

J. W. Waterhouse, Sleep and his half brother Death, 1874 

Le Sommeil est le frère de la Mort


Jeudi 26 juillet 2007 à 1:25

J'ai marché le long du chemin. J'ai marché seule sous le regard de la lune au travers des arbres. Et tu n'étais pas là au bord du chemin à m'attendre comme je l'espérais. Tu n'étais pas là pour m'emmener avec toi et me perdre sur une autre voie. Alors j'ai continué comme je mènerais toujours ma vie et comme je mourrais : seule.

Je voulais venir vers toi, mais je ne t'ai pas trouvé, et la grille était close pour moi.

J'aurais aimé que tu sois là, Amadeus, sur le bord du chemin. Et pas seulement dans mon esprit.

 

« Un Roi sans divertissements

 est un homme plein de misères »

Blaise Pascal

peintures de deux artistes que j'apprecie énormément:

Jean Delville et William Blake

Mardi 9 janvier 2007 à 23:26

La neige, ça a l'air très pur, ce blanc immaculé à perte de vue. Pourtant la neige est si impure, composée d'éléments qui peuvent être si sales… et puis elle recouvre tout comme un linceul, elle oppresse le sein de la terre comme le tombeau le sein de l'imparfaite courtisane de Baudelaire.  La neige est froide comme la mort, elle en a le silence, le calme, le gel. La neige est un peu comme un cimetière. Et la neige est si belle. Le son même qu'elle émet lorsqu'elle craque doucement sous les pas des errants procure un sentiment de félicité.

Mais la neige n'est jamais plus belle que lorsque des fleurs pourpres viennent y éclore et qu'elles s'épanouissent, qu'elles allongent leurs pétales délicats sur leurs tiges écarlates. C'est un peu la vie qui jaillit sur la mort, et pourtant cette vie qui s'échappe est elle même comme un symptôme maladif et mortifère.

Et ces fleurs fragiles attendent qu'une âme contemplative s'en vienne pour rêver sur elles, s'abîme dans un songe où elles dansent, virevoltante, dans ce monde de trépas.

Oublie ton corps, oublie celui qui tient ton âme prisonnière de ses désir et lui enlève ses ailes. L'âme ne souhaite que voler dans l'air pur, dans les cieux lointains recelant toutes les merveilles que la terre a perdu. De ces cieux sont venus des pleurs qui se sont cristallisés, et la terre épuisée libère son sang le plus beau à travers ces fleurs, union des rêves perdus.

A celui qui contemple, l'âme est ravie. Puisse t'elle ne jamais retourner dans sa prison de chair et d'os.

Hélas, cette beauté mortelle finit tôt ou tard par s'évanouir, sous les feux du cruel soleil tueur des doux rêves des désabusés. Petite âme pourpre s'envole en se sublimant dans les cieux de cristal où elle rejoindra les soupirs exhalés par ceux dont les espoirs et les attentes sont déçus. Mais que restera t'il de cette éphémère beauté qui aura permis à Perceval de se recueillir ? une cicatrice. Sur l'âme.

Le vrai Graal est la coupe de l'âme emplie de notre sang, notre essence. Pour la trouver en ce monde amer le chemin est bien difficile et douloureux. Si seulement cette plaie voulait bien rester sur cette étendue ivoirine… pourquoi faut-il que ces fleurs s'évaporent ? je ne veux pas d'un bouquet de pâles petits fantômes, il me faut les voir rutilantes, ces chers rubis, ces perles cramoisies… restez ici, que je m'abreuve de vous, que mon regard vous frôle tendrement, que mes pensées vagabondent auprès de vous… que je trouve mon Graal.

Adieu velours incarnat… les voilà qui se fanent… il faudra recommencer quand le cœur sera las et révolté.

Perceval…

Mardi 5 décembre 2006 à 19:08

Pourquoi depuis si longtemps l'être humain ressent il le besoin d'inventer des histoires ? de faire des fictions, de mêler son quotidien de merveilleux, de créer de nouveaux monde ou de tenter de faire du sien un antre de mystères et de poésies ? je ne saurais le dire pour les temps anciens où l'on pensait réellement que le merveilleux faisait partie de ce monde, bien que je pense que de tous temps il a été une nécessité pour lui d'agir sur ce monde, ce monde dont il n'est qu'un minuscule, infime et vain élément et dont il ne saisit que d'infimes parties. A partir de ce qu'il voit, de ce qu'il possède, il va faire sa propre interprétation, imaginer. Quel est en soi le but de l'écriture ? je ne pense pas qu'il s'agisse seulement d'une simple récréation. Il y a pour but un partage, on désire transmettre quelque chose à quelqu'un. Cela peut avoir une visée didactique, afin que le monde devienne comme on le voudrait, comme il le faudrait. Ou alors créer un monde complètement nouveau, et pourtant tellement similaire au nôtre, dans lequel l'on incluse tous nos fantasmes. Toujours est-il que celui qui écrit est un créateur, il est en quelque sorte Dieu, et fait ce qu'il désire de ses personnages. Ce qui permet d'assouvir ce dont on est frustré dans le monde réel et d'avoir un sentiment de contrôle qui nous fait défaut dans notre vie. L'écriture est une très bonne psychothérapie. Si je ne m'abuse Freud avait dit quelque chose dans ce sens, que celui qui écrit assouvit des pulsions en écrivant et ainsi s'en libère, et celui qui le lit fait de même. Pour moi c'est plutôt un exorcisme ! depuis toute petite j'adore inventer des histoires, faire mon interprétation de ce monde et en imaginer de nouveaux. L'écriture et la lecture tiennent une place primordiale dans ma vie. Il est vrai que quand on voit le monde dans lequel on vit, il serait hypocrite de dire que tout est parfait et qu'on en rêve pas d'un meilleur… et quand on y réfléchit bien, malgré toutes les richesses qu'il renferme, au fond il est d'un ennui profond, il est démoralisant et passablement dégoûtant, et surtout il est extrêmement vain. Bon c'est mon point de vue, ça ne regarde que moi. Mais vivant dans cette triste et déprimante réalité de la vie quotidienne, qui pourtant est loin d'être malheureuse (prouvant une fois de plus comme je suis une saloperie trop gâtée) et connaît même de vives joie, et bien je n'ai de cesse d'écrire pour m'échapper un peu de cette réalité angoissante et étouffante, et de me créer mon monde bien à moi. Dans la plupart de mes écrits, surtout concernant les nouvelles, il y a la réalité, morne et vaine, et un élément fantasmé venant de rêves chers. Mais j'ai je ne sais combien de projets de romans (lol) et d'autres choses d'un monde entièrement rêvé, pas du tout dans ce réel. Et j'aime à y penser dans la journée. En fait je peux prendre le moindre élément pour me mettre à penser à un autre monde. Les nuages qui passent dans le ciel et me voici en pleine rêverie. La lune qui brille dans un ciel froid et rougeoyant et rebelotte. Tout n'est pas tout noir dans cette réalité, il est de belles choses, et les contempler m'aide à ne pas devenir folle et à trouver la force de me lever le matin.

Ensuite on me demande si je viens bien dans cette réalité. Ça oui, j'y suis tous les jours confrontée ! j'ai le sens des réalité je sais quand même ce que je fais, et c'est bien pour cela que j'ai un tel besoin de m'en évader. Lâche ? peut-être. Mas je suis quelqu'un qui aime cultiver ses illusions, même en sachant qu'elles ne sont que des chimères. J'ai besoin de poésie et de rêve. Et c'est parce que je sais comment est la réalité que j'en ai tant besoin. Et il semblerait que je ne sois pas la seule ! combien je révère toutes ses personnes qui nous livrent leur propre monde, qu'il soit horrible ou merveilleux, et qui nous apportent ce qui quitte l'humanité : le rêve. Lovecraft l'a bien vu dans quelques uns de ses récits les plus poétiques (qui me font toujours pleurer d'émotion. Même pas honte ! pourquoi avoir honte d'admettre que quelque chose a atteint la corde sensible de l'âme ?) par exemple Céléphaïs, La quête d'Iranon, Azathoth…

Nous avons tous besoin de rêve et de nous bercer d'illusions, d'autant plus belles que la mélancolie nous touche car la conscience sait que jamais elles ne prendront corps… non ?

 

Une dernière chose (je m'étais pourtant promis de pas en faire trop) à propos de l'écriture… je soutiens malgré le scepticisme que la lecture d'un auteur mort est purement et simplement de la nécrophilie. De la nécrophilie intellectuelle en tout cas. En effet, lorsque l'on écrit, je considère que c'est quelque chose d'extrêmement intime, car on livre ce que l'on a à l'intérieur, on livre nos pensées telles que notre esprit parvient à les formuler d'après ce qui agite notre âme. La lecture est donc une sorte de communion très intime avec notre moi profond, du moins pour des récits fictifs, de la poésie ou de la philo... C'est vrai qu'un devoir par exemple, même s'il reflète notre façon de penser, n'est pas en soi plus intime. Mais là par exemple s'il y a une pauvre âme qui s'échine à déchiffrer ses lignes et à se demander comment son auteur peut encore courir en liberté, il faut qu'elle sache qu'elle est en communion avec une partie de mon esprit, de mon âme. C'est beau ! lol

Ainsi quand on lit du Tolkien, par exemple, ou du Lovecraft, ou n'importe quel merveilleux auteur qui est passé de l'autre côté, on communique avec son âme, c'est comme si on entrait dans son esprit, on s'imbibe de leur essence, et c'est pourquoi à mon sens il s'agit de nécrophilie. La révélation a été dans un livre de Terry Pratchett (le huitième sortilège peut-être) où l'auteur avait mis ces mots dans la bouche d'un de ses personnage. Une communion je vous dit.

Mais il n'y a pas que l'écriture qui fasse rêver et permette de voir en l'âme de quelqu'un : la musique et le dessin sont aussi des révélateurs d'âme, mais je ne vais pas me lancer la dedans car il y en aurait encore pour un moment.

Bref, rêvez, et laissez moi mes rêves et mes illusions, qui me dont vitales.

Un jour je serai écrivain.

En voilà un beau rêve J

 

Ce soir, c'est la pleine lune. Levez un peu les yeux vers le ciel, sa contemplation est un baume et une porte sur l'âme, une douce berceuse apaisante, et le commun de tous les mondes.

La pleine lune…

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