Samedi 6 décembre 2008 à 1:17

 

 
 
 
 
mein gott que d’articles en ce moment! Je dois avouer qu’il est plus tentant de traîner sur le net que de s’atteler à un dossier assez rebutant et dont je n’ai toujours pas vraiment saisi le sujet.
Merci donc à Buf pour son article sur cette série qui a l’air assez appétissante hormis deux-trois détails (dont un porte un nom de chien… un chien avec des proprios sadiques) et aussi pour les coms, ça fait toujours plaisir ET ça donne des idées pour d’autres articles !
Ainsi, hier nous avons rapidement abordé le sujet de la religion… et j’y ai repensé cet après-midi en passant dans les collections de peintures italiennes du Louvre. Le problème c’est qu’aimant prendre mon temps pour bien détailler une œuvre, je n’ai pas avancé beaucoup, et je vais devoir revenir, zut alors. Ah, les maîtres italiens, (yaaaah Botticelli <3)ça fait vraiment du bien aux mirettes, chaque toile est un véritable voyage dans le temps et l’espace (oui j’aime bien cette formule) avoir devant les yeux le véritable support sur lequel le maître a œuvré, a couché sa pensée et l’a modelée avec ses mains, ça fait quelque chose. Les repros ne rendent pas  toute l’émotion que l ‘on peut ressentir devant l’original, c’est certain ! Et les découvertes sont très plaisantes.
Parmi les coups de cœur du jour, et bien, de l’art religieux puisqu’en Italie pendant trrès longtemps c’est l’Eglise qui a mené la danse en tant que commanditaire exclusif et surpervisatrice de tout ce petit bazard. Bien sûr à la Renaissance on s’affranchit de plus en plus mais bon au tout début avec Savonarole par exemple… heu, revenons au sujet. L’art religieux donc ^^
 
Et bien je suis longuement restée devant cette toile :

http://www.bestpriceart.com/vault/cgfa_montagna1.jpg
Bartolomeo Montagna, Ecce homo, première décennie du XVIe siècle
 
Sur l’original, les couleurs sont bien plus belles que ça, c’est vraiment une toile superbe.
omg oui. De quoi faire des conversions, assurément.

par ici on s’approche plus des couleurs originales même si c’est plus sombre. On distingue un peu mieux le détail des veines aussi (très important)
 
Et celle-ci a aussi particulièrement attiré mes regards :

http://www.stephanelambert.com/content/le_perugin_st_sebastien.jpg
Pietro Vannucci dit Pérugin, Saint Sébastien, vers 1490
 
Le thème du martyr de st Sébastien me parle bien (première vraie rencontre avec lui dans des catacombes romaines, ça marque) . J’aime beaucoup les diverses représentations qui ont pu en être faites. D’ailleurs il y en avait quelques unes à l’expo Mantegna si je me souviens bien.
Ici, toile assez impressionnante car assez grande (1,80m de haut. Ben quand on est une naine ça fait grand oui) d’autant plus avec ce corps sculptural et plutôt… dénudé.
D’ailleurs, ce qu’on appellera charitablement un pagne (quelqu’un se rappelle ce que j’ai dit sur les civilisations avec des chevelus en pagne ? non ? tant mieux !) me rappelle furieusement des formes d’habits peints des siècles plus tard par Gustave Moreau (ça faisait longtemps, pas vrai ? Vous savez que je l'aime?), par exemple là :
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/91/Moreau_-_Jason_et_Médée.jpg
Gustave Moreau, Jason et Médée, 1865
 
Et bien, que de chairs outrageusement dévoilées à nos regards malsains ce soir ! Mais non, c’est de l’art religieux voyons ! Tout cela est du ressort de la piété !
 
Hem, bon voilà pour ce soir, vivent les peintres italiens.
Ah oui, et chaque fois que je passe voir la Barque de Dante de Delacroix (direction habillage Divine Comédie si vous ne connaissez toujours pas) je découvre une nouvelle dimension à la peinture, un détail, qui ne fait qu’accroître mes émotions à chaque fois que je la vois. Aujourd’hui je me suis rendue compte que le drapé de Virgile semble renvoyer à des sculptures romaines représentants des Muses, qui ont le droit à un drapé particulier dans leur tenue. Dans ce cas Virgile est bien la Muse latine de notre Dante pas de doute J
Qui plus est, son vêtement fait très linceul, surtout le blanc qui dépasse un peu, renvoyant directement au statut spectral du poète. Désolée de vous l’apprendre comme ça mais oui, il est mort… ça fait seulement 20 siècles après tout. (quelque part ça renverrait presque à ma nouvelle rubrique « Amor e Morte » dis donc ) mais je n’arrive toujours pas bien saisir son mouvement… Se dégage t’il de son linceul pour aider Dante (éventuellement le prendre dans ses bras) ou bien rabat-il au contraire son manteau sur sa belle tête couronnée ? Je pencherai plutôt pour la première interprétation.
 
Heu, bon,, voilà pour aujourd’hui. Ca me désole de montrer tant d’œuvres sans les commenter de façon un tant soitpeu,  constructive, enfin…
Je pense faire un petit quelque chose sur les représentations de st Jean le baptiste, car quelques toiles m’ont aussi tapées dans l’œil de ce côté là, et ça rejoint ce que j’avais traité dans mon article sur Salomé. je mettrais bien le lien mais l’article est pour le moment vide… Quand j’ai voulu le changer de catégorie pour le mettre dans « Amor e Morte » le contenu a… disparu, tout simplement. Et j’ai la flemme de tout remettre parce qu’avec V3 c’est encore un peu délicat, et l’article est assez long. Bref.
 
Enfin, je dis ça mais j’ai encore plein d’autres articles à traiter. Genre celui sur Sleepy Hollow (j’ai relu le livre d’ailleurs entre-temps) ou sur Peter Pan (ma tête bouillonnais d’interprétations tordues… il y a quelque mois, et je ne les ai pas notées) ou plus récemment sur un nouvel épisode d’Amor e Morte, avec le mythe de Nergal.
Bon quelqu’un me fait mon dossier et mes partiels et ça ira.

Ah et peut-être un signe du destin... Faut pas décourager, en même temps j'ai pas envie d'espérer pour rien...

un dernier mot:Leureduthé. Parce qu'il a vraiment trop la classe.

Vale 

 

Mercredi 20 août 2008 à 0:10

 

Le retour de l’abomination errante dans son ermitage ! merci à Buf pour son article sur M. Rogers tandis que j’admirais pour ma part la faune et la flore de la région bordelaise en compagnie de toute la Compagnie dont fait maintenant partie Adé ! merci à toi d’être venue et d’être restée un peu avec moi à la gare !
 
Cependant mon but n’est pas ici d’étaler mon existence, même lorsqu’elle est moins insipide que d’habitude ! je voulais en fait donner mon interprétation à une œuvre de sir Frank Bernard Dicksee qui m’inspire tout particulièrement, à savoir Two Crowns.
 
L’artiste a eut le bon goût de naître en Angleterre au XIXeme siècle (1853-1928) et d’être un peintre de talent, qui lui valut d’ailleurs une belle renommée en sa contrée. Il ne faisait pas partie de la confrérie pré-raphaélite (contrairement à Dante Gabriel Rossetti si je ne m’abuse) mais ses peintures portent tout de même pour certaines la marque de ce beau mouvement, et c’est le cas de Two Crowns.
http://www.illusionsgallery.com/two-crowns-L.jpg
 
La toile se situe ainsi dans la période médiévale, comme le montre l’armure du personnage central et des soldats qui l’entourent, ainsi que le costume des jeunes filles qui l’environnent, et que l’on peut placer plus précisément au XVe siècle.
On peut y voir le défilé triomphal d’un roi victorieux entrant dans une ville avec son armée, et célébré par la population –dont on ne voit que de belles demoiselles- avec liesse. Le peintre a saisit sur sa toile le moment où le regard du roi se pose sur un calvaire situé dans la bordure droite du tableau, dans l’ombre. C’est ici que l’on peut comprendre le nom du tableau : deux couronnes : la couronne d’or du roi triomphant, face à la couronne d’épine du Christ agonisant.
 
La composition elle même est très dynamique, par le mouvement et les couleurs. Autours du cheval du roi, on a une impression de spirale créée par les demoiselles qui l’entourent. Tous les visages sont tournés vers le roi qui trône au dessus d’elles. On peut aussi voir une croix dans la peinture, formée par deux diagonales : l’une créée par les lances inclinées et qui se poursuit jusqu’au coin supérieur droit avec la bannière et ses rayons dorés. L’autre diagonale est formée par le bras du personnage en haut à gauche et par les pétales de fleurs jetés, et elle se poursuit dans l’inclinaison de la selle et de la jambe. On peut encore y voir une pyramide, dont la base est formée par les jeunes filles et dont la couronne est le sommet. Ces lignes amènent l’œil du spectateur sur le roi, et plus particulièrement sur sa tête couronnée qui se trouve au milieu de la composition. Cela est encore renforcé par le choix chromatique de l’artiste : le roi resplendit dans son armure d’or, dominant l’œuvre. Les autres couleurs, quoique vives, sont plus ternes, hormis le rose des pétales qui donnent tout son mouvement à l’œuvre. l’attention est ainsi concentrée sur le roi, montré comme source d’autorité, comme l’indique son sceptre, son maintien et la force que lui confère la forme de l’armure. Notre roi domine une assemblée très vivante et colorée, effaçant ainsi la présence de la croix sur le bord droit. Celle ci est sombre et excentrée, et l’œil du spectateur n’y est amené qu’en suivant le regard du roi.
 
L’ouvre prend ici tout son sens : au faîte de la sa gloire et de sa puissance, adulé par la foule, le roi fait face a un autre souverain, le Christ. Nous avons ainsi deux visions de la souveraineté : celle temporelle, représentée par le roi dans son armure, et celle, spirituelle, représentée par le Christ. Le roi et le crucifié semblent alors soudain être les seules figures de ce tableau : par ce regard, le personnage central se trouve coupé de la foule bruyante et virevoltante qui l’entoure et le célèbre, plongé dans une méditation : il se voit en effet révéler la vanité de sa propre souveraineté : il n’est qu’un roi de sang, voué à disparaître. C’est effectivement une sorte de révélation qui est offerte au roi, dans le sens que seul lui regarde le calvaire, seul lui le voit. Et c’est à lui que le Christ semble adresser un message Il ne jouit de ses grâces qu’un court instant. Cette impression se trouve renforcée par les objets éphémères qui l’entourent : les pétales de fleurs demain seront fanés, et la jeunesse des demoiselles sera bien vite envolée. Son triomphe lui même ne durera peut être qu’un court instant, et la guerre pourra lui reprendre ce qu’il a aujourd’hui conquit. Ce Christ lui rappelle donc qu’il ne tient toutes ses grâces que par sa volonté, lui, le souverain éternel et tout puissant, qui n’a pas besoin d’artifices et de couleurs pour faire valoir son pouvoir.
On peut dénoter une autre nuance dans le regard du roi : peut être a t’il honte de se présenter de façon aussi pompeuse devant son dieu, et de ce que représente aussi sa propre souveraineté : il ne maintient son pouvoir que dans le sang, celui des autres comme le montre les lances, les soldats, et même le rouge de sa cape et le tissu noué à son bras (en l’honneur d’une dame sans doute) Il domine par la force, comme semble le suggérer la soumission de son cheval, tête baissée rongeant son mord On peut s’apercevoir que la tête du roi se détache sur les ténèbres, comme s’il en provenait et qu’il les répandait. Au contraire, la tête du Christ, qui le domine, est auréolée de lumière, se détachant sur l’éclat d’une bannière dont le soleil brodé est placé exactement à l’emplacement de la tête couronnée d’épines. Ils sont deux opposés exacts en somme : le roi éphémère, drapé de lumière mais exhalant les ténèbres et la violence, et le roi éternel, omniprésent, exhalant la lumière et qui lui a offert son sang pour le rachat des hommes.
Cette œuvre est d’une grande force a mes yeux, car tout est contenu dans un regard. Elle représente à mon sens une révélation, une prise de conscience, un memento mori destiné à mettre le roi en garde : lui comme son pouvoir sont éphémères et proviennent du seul véritable souverain : Dieu, dont il doit apprendre la compassion et l’humilité.
 
Je tiens à préciser qu’il faut prendre le point de vue catho pour comprendre l’œuvre et l’interpréter comme cela, je pense que c’est ce que l’auteur voulait signifier en partie. Ce n’est pas nécessairement comme cela que je considère personnellement la figure du crucifié, donc merci de ne pas me faire de réflexion là dessus.
 
A propos d’œuvre ! et bien, je dois le confesser, j’ai succombé à la tentation… et j’en suis même très contente !
Une magnifique édition en vo pas cher (en tout cas la moins chère de toutes) d’une magnifique histoire de maître Tolkien, illustrée par Alan Lee
The Children of Hùrin
http://www.tolkiendil.com/lib/exe/fetch.php?cache=&media=asso:boutique:partenaires:9780007252268.jpg
 
 j’aime les gares. (si si il y a un rapport)
Pour ceux que cela intéresserait, il s’agit de l’histoire d’une famille maudite (tiens tiens) par Morgoth, le premier bastard de service de la Terre du Milieu. Hùrin est ainsi condamné par lui à voir souffrir ses descendants à subir une terrible destiné, et son fils Turin le premier…
Ahaha et dire que la semaine dernière encore je disais que j’en avais marre de cette histoire parce que j’ai du lire au moins 3 versions différentes ^^’ non mais c’est vrai au bout d’un moment on sature à force de lire 50 fois la même chose… mais là c’est différent, c’est la version ultime en vo, donc avec les mots même du maître et tout… et l’histoire est magnifiquement dramatique… j’ai toujours en projet depuis au moins 5 ans une illustration de Turin et Gwindor dans les forêts de Taur-Nu-Fuin (repaire du Lieutenant Sauron dans l’histoire de Beren et Luthien <3)
bon et si je me trouvais les Lais du Beleriand maintenant ? J
tout cela me donne envie de faire un habillage ! n’oubliez pas de regarder régulièrement s’il y a des nouveautés de ce côté là ! vous trouverez les habillages concoctés par ma Buf (Breizh, Spanish Inquisition et Raspoutine) et ceux faits par mes petites mains hérétiques !
 

bon, sur ce, je vais retourner massacrer ma couture et mes petits maudits. Vale.

Vendredi 10 août 2007 à 20:02

 

Beaucoup de projets d’articles, tous aussi longs et dépourvus d’intérêts (pour vous chers lecteurs inexistants) les uns que les autres… parmi eux une interprétation de rêve, un commentaire d’une phrase de Henri-Clément Sanson, la liste de ceux à qui j’adresse la phrase « je l’aime » dans une journée (pas moins d’une cinquantaine de fois sur une cinquantaine d’individus (artistes morts la plupart du temps) ou objets différents) l’exhibition gratuite d’une photo de jeune homme à forte capillarité prétexte à un discours très sérieux sur la filiation d’Elrond et partant sur la reproduction chez les elfes (virginité au mariage ? combien de temps de gestation est-il nécessaire pour un enfant elfe ? à quelle fréquence les femmes elfes ont-elles leur cycle ? connaissent elles la ménopause ? ) sujet pas si idiot qu’il n’y paraît et qui a été lancé par la gentille sœur de mon esclave. Aussi en projets, biographies de contemporains de Bleuzenn (on se demande lesquels tiens) une déclaration d’amour à Perceval, exhibition de mes crimes graphiques, exaltations gratuites sur mes peintres fétiches (là encore on se demande lesquels)…
Non, Aujourd’hui il me prend l’envie de traiter d’un thème qui m’est cher, l’Amour et la Mort, Έrwς kaί Qanάtoς LE couple. Ce thème offre de très vastes choix de sujets : le vampirisme, sa plus parfaite illustration, peut-on aimer un mort ? (j’aurais tendance à dire oui je ne sais pas pourquoi) peut-on aimer LA mort ? Là dessus un site très intéressant : la mort dans l’art.
Non, le sous-thème que j’ai envie de traiter ce jour consiste en la décollation de l’amant, et il m’est très cher. J’ai toujours été attirée par cette relation morbide entre une tête coupée et une jeune fille, et mes rêves sont souvent peuplés de ces étoiles filantes au sillage rouge. Rien de pathologique là dedans, c’est avant tout esthétique. Soyez certain que si je voyais vraiment une tête sans son corps, je ne dirais probablement plus ça. D’un aspect purement artistique et de l’ordre de l’idée, c’est esthétique.
 
C’est un thème qui dans l’art apparaît vraisemblablement au XIXeme siècle. Le thème de la décollation de Jean-Baptiste a été traité de tout temps, mais c’est surtout le martyr du saint qui y est souligné, l’aspect prédateur de Salomé étant rarement abordé, hormis peut-être cette magnifique toile de Lucas Cranach, (http://www.wga.hu/art/c/cranach/lucas_e/9/05salome.jpg ) datant de 1530 ,qui évoque plutôt un félin avec sa proie.
 
Pour avoir une petite rétrospective, c’est ici.
 
Cependant, ce n’est vraiment qu’au XIXe siècle que l’on inspire des sentiments amoureux entre Salomé et sa victime. Indéniablement, en ce siècle magnifique pour l’art, les peintres abordent le thème de la décollation de l’amant, de l’attirance fatale et de l’amour impossible et terriblement romantique d’une vivante pour euh, la partie d’un mort.
Ce thème est venu par l’histoire d’Orphée. Au XIXeme siècle, la mythologie gréco-romaine est très à la mode, de part le développement de l’archéologie qui fait redécouvrir les traces du passé, et en cet honneur est joué à Paris l’opéra du compositeur XVIIIeme Gluck, Orphée et Eurydice, qui déchaîne l’imagination des peintres : à la suite de Poussin, qui en avait fait son interpétation en 1650, Emile Levy (1866), Jean-Baptiste Corot (1861), Machard (1865) offrent leur vision du mythe.
C’est là qu’apparaît Gustave Moreau, peintre symboliste que je révère, idolâtre, admire et aime. En 1866, il créer un motif qui va trouver beaucoup de succès : la tête d’Orphée coupée et posée sur sa lyre. Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire du malheureux Orphée, il s’agissait d’un poète (un poète ! ah ! je l’aime ! ^^) qui s’est rendu aux Enfers pour récupérer sa femme Eurydice morte à cause d’un serpent. Il a tant de talent que Hadès lui même se laisse émouvoir (Hadès ! ah ! je l’aime !). Malheureusement pour Orphée il désobéit à l’une des clauses du contrat consistant à ne pas se retourner en chemin pour voir sa femme, et il la perd à jamais. Le chagrin l’étreint, et les bacchantes, ces démentes suivantes du dieu de l’ivresse, jalouses de son talent, et peut-être aussi du fait qu’il ne daignait pas s’intéresser à elles, le mettent littéralement en morceaux. Moreau (ah ! je l’aime !) a ainsi imaginé que la tête du poète s’était posée sur sa lyre, et qu’une jeune fille les recueillait. C’est La jeune fille Thrace. On peut voir sur le tableau qu’elle contemple amoureusement la tête d’Orphée, qu’elle semble bercer, fascinée par ce monde que doivent à présent contempler ces deux yeux clôts.
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/moreau-thrace.jpg
 
 
Je trouve cela tout simplement magnifique. Ce motif a en tout cas beaucoup plût, puisque que Odilon Redon le reprend en 1880 (symboliste lui même, mais je dois admettre que son art ne m’émeut pas) puis par Jean Delville (que j’aime) en 1893.
Cependant, seul Moreau présente le thème de l’amour mortel dont il est question ici.
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/delville-orphe.jpg
 
 
Toujours au XIXème, un autre mythe donne aux peintres l’occasion de représenter le thème : celui de Salomé. En 1877, Gustave Flaubert présente trois contes, dont Hérodias, inspiré d’un thème biblique. Celui-ci raconte la vengeance de Hérodiade, femme du roi Hérode, contre saint Jean-Baptiste. Celui-ci dénonçait les frasques de l’épouse, qui n’avait pu obtenir du roi qu’il tue Iaokannan, notre baptiste. Elle fait alors danser sa fille Salomé devant lui, et elle excelle tant à cet exercice que le roi fasciné lui promet ce qu’elle voudra… Salomé obtient ainsi pour sa mère la tête du prisonnier sur un plateau… Pour nos romantiques, il ne fallu pas longtemps avant de penser que Salomé était amoureuse du cousin de Jésus, et que ce n’était que par sa mort qu’elle pouvait le faire sien…
Devinez qui a traité le thème… Moreau ! dans plusieurs toiles présentant toute sa virtuosité il nous a laissé sa vision du mythe, qui semblait fort l’intéresser… Dans l’Apparition, de 1875, Salomé dansant désigne la tête du condamné…
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/Moreau_Apparition.jpg
 
 
 Une autre toile montre Salomé dans la prison où saint Jean le baptiste est prêt à se faire décapiter, dans le fond. Elle a l’air troublée, attendant l’instant fatal.
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/moreau-salome.jpg
 
 
Il y a, complètement dans le thème, Salomé au jardin, de 1878, où elle contemple la tête avec un air félin de satisfaction. Amour unilatéral et cruel allant jusqu’à la mort de l’homme désiré qui se refuse…
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/Moreau-Salomaujardin.jpg
 
Moreau a peint d’autres versions de Salomé tenant le plateau, mais dans ces versions, elle regarde ailleurs, mais avec un air de jeune mariée au bras de son époux.
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/salom-plat.jpg
 
Je n’ai aucun talent dans l’exégèse, mais je vais donner mon interprétation de ce symbole de l’amant décapité. Il y a d’une part, la découverte d’un amour posthume. La jeune fille tombe amoureuse d’une représentation. Elle n’a devant elle que le vestige d’un être qui a cessé de vivre, elle ne voit qu’une part de lui. C’est une part totalement idéalisée, car l’amant n’est plus en mesure de s’exprimer. Elle projète sur lui ses idéaux sur l’amour, couplés d’une fascination pour la mort qu’il représente aussi. C’est l’éveil de la sensualité chez cette jeune fille qui s’éveille à la vie et à l’amour : ses pulsions de vie, l’amour, se mêlent à ses pulsions de mort (mort de l’amant), représentant la violence de la sexualité, qui l’attire autant qu’elle l’effraie. le tout avec cet espoir encore que l’amour survit à la mort.
 
Le symbole de la tête séparée du corps représente, dans l’onirisme, une coupure nette entre l’esprit et le corps. C’est donc clairement une idéalisation de l’amour, dont on rejète l’aspect purement charnel. On reproche souvent aux femmes, plus particulièrement aux jeunes filles s’éveillant au sentiment amoureux, de vouloir faire dominer dans l’amour cette spiritualité.
Je me retrouve bien dans cet aspect… je n’aime que par morceaux… je n’aime d’une personne que ce que j’en idéalise, et cet idéal n’est qu’une part d’elle… Je n’aime vraiment de tous ceux que je déclare ma flamme à longueur de journée que la tête, l’esprit créateur produisant ce qui m’exalte, le talent, purement spirituel. Je peux aussi m’exalter sur un physique, mais c’est parce que je suis une esthète 0:-), je n’apprécie que la forme, ce n’est encore qu’une part… 
 
Le mythe de Salomé nous laisse voir une autre part, rejoignant un peu la première : la violence du désir, la cruauté de l’amour, quand les pulsions de vie et de morts sont intimement liées… Lorsque l’amant se dérobe, la mort devient la seule façon d’obtenir l’objet du désir. La tête devient alors un trophée, ce siège de la personne, alors offerte. (d’ailleurs les têtes plantées sur des pieux sont des trophées) C’est une appropriation, l’amante frustrée est alors sûre que celui qu’elle aime n’ira pas ailleurs, il lui appartient, éternellement. C’est le paroxysme d’une passion très forte, mais unilatérale, mais aussi très égoïste, puisque l’on refuse que l’être convoité soit heureux sans nous. Au contraire de ce que l’on a vu d’abord, une idéalisation de l’amour et de la personne aimée, on voit ici que cette même idéalisation, déçue, peut amener à la mort. Les sentiments ici ne sont pas candides, mais au contraire plein de force, et même de perversion. C’est une relation sadomasochiste, avec la maîtresse et l’esclave, esclave dont on ôte la vie si il déplaît à sa maîtresse. En même temps l’esclave affirme sa liberté : tu ne m’auras que mort. Triste trophée pour la maîtresse qui ne pourra assouvir que brièvement, et partiellement, la passion qui la dévore. La mort, seule alternative à un amour impossible…

http://casoual.files.wordpress.com/2007/01/stuck-von-franz-salome.jpg
La version, assez provocante, de Franz von Stuck, datant de 1906
 
Et voici Lucien Lévy-Dhurmer qui nous présente en 1896 un dessin au pastel plein de sensualité, semblant dire « et maintenant, est-ce que tu m’aimes ? »
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/L.levydhurmersalome.jpg
 
 
J’ai conscience que l’analyse pourrait être bien plus poussée, bien mieux expliquée et beaucoup plus intéressante, mais on ne se refait pas. J’aimerais juste conclure en ajoutant que de mon point de vue, le cavalier Hessois de Sleepy Hollow serait une bonne version du thème, puisqu’il y a bien une jeune fille amoureuse de l’autre côté… bref
 
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/sh_005HessiansGrave.jpg
 
Ça ne se voit pas là mais il a la tête coupée
 
Dernière chose : on retrouve aussi ce thème dans le vampirisme. Le vampire est l’incarnation de l’érotisme, de la sexualité débridée voir dangereuse, avec cette violence des passions etc. Or ce vampire est tout de même un damné. Pour le « purifier », lui apporter la paix, il faut lui couper la tête… le vampire incarne la luxure, or la luxure, c’est mal, c’est le côté charnel de l’amour, alors pour le spiritualiser à nouveau… on coupe la tête.
Je ne sais plus si à la fin du Dracula de Francis Ford Coppola Mina embrasse la tête coupée de Dracula…

<< méfaits précédents | 1 | méfaits suivants >>

Créer un podcast