507 avant notre ère. Les débuts de la démocratie athénienne. Le peuple en liesse élève deux statues sur l’Agora. Les statues de deux Athéniens qui ont donné leur vie pour abattre la tyrannie. Une action héroïque qui a mené à la fondation de la démocratie. Tueurs de tyran : les tyrannoctones (musique héroïque)
Du moins, c’est la version officielle. Dans les faits, ce n’est pas vraiment un idéal politique qui a fait que ces hommes, Harmodios et Aristogiton, en sont venu à l’assassinat. Voyons plutôt.
514 avant notre ère, sous la langueur du chaud soleil athénien. Hipparque, frère d’Hippias le tyran -dont la famille règne de main de fer sur Athènes depuis 546 avant notre ère, s’éprend de l’éphèbe Harmodios, et lui fait des avances. Lequel Harmodios le repousse, il a déjà un amant, Aristogiton. Bien entendu, Hipparque est fort mécontent, et, interdisant la sœur d’Harmodios de participer à la procession des Panathénées, insinue sournoisement qu’elle n’est pas aussi vierge qu’elle le devrait. Rendu furieux par cette injure, Harmodios et son éraste Aristogiton décident de régler son compte à Hipparque, cachent leurs lames sous leur vêtement, et le mettent à mort. Mais on ne tue pas un descendant de Pisistrate de la sorte, et eux-même sont tués sous les coups des partisans du tyran.
reconstitution en plâtre de ce que devait être l’original, (en bronze) dit groupe de Strasbourg
Ça n’avait donc absolument rien à voir avec un idéal politique, puisque la raison de cet assassinat était basiquement… une histoire de cul. Mais l’impulsion était donnée, et Hippias fut renversé quelques années plus tard. les amants furent honorés finalement comme ceux qui avaient mis à mort la tyrannie elle-même, et célébrés en chansons. Et statufiés. Sur l’Agora. Bien sûr, l’heureuse initiative de leur mort arrangeait. On n’aurait sûrement pas fait les statues si ils étaient restés en vie, il ne faut pas abuser, un héros vivant, c’est nul. Là on put à loisir s’exalter sur leur héroïsme justement, et on commanda au sculpteur Anténor cette tâche d’immortalisation d’Harmodios et Aristogiton. En -480, les Perses débarquèrent, trouvèrent l’œuvre à leur goût (surtout Xerxès, ça évoque quelque chose à quelqu’un ?) et l’embarquèrent, après avoir mis un peu de foutoir partout, en passant. Qu’importe, les Athéniens, en vraies groupies, commandèrent d’autres statues, à Critios et Nésiotès. Et le groupe qu’on a là est une copie romaine. Oui, parce que pour trouver des originaux Grecs, il faut se lever de bonne heure.
Bon, je ne vais pas faire un cours sur la statuaire grecque, je vous laisse juste admirer. Les corps dont la beauté est exaltée par la nudité héroïque (quand on est un héros, on se fout à poil, c’est une convention) sont sculptés d’après le canon de Polyclète, qui avait calculé puis mis en pratique les proportions parfaites de l’anatomie masculine. Ce qui connu un immense succès et reproduit partout.
Harmodios est l’éphèbe au bras levé. L’éphèbe, dans la société grecque, son élite, en tout cas, est un adolescent, un jeune homme, qui n’a pas encore de pilosité et dont l’éducation est confiée à un/des hommes adultes, qui font son initiation (dans le domaine sexuel également, mais pas que). C’est ce qu’on nomme la pédérastie, qui est considérée comme une véritable institution. Là dedans, l’éphèbe est l’éromène, l’aimé, le passif. Harmodios, si il est un tout jeune homme, est représenté ici comme ayant un corps d’adulte déjà, mais sans poils.
Aristogiton est à son côté, avec le vêtement (qui est placé de façon à ce qu’il soit nu quand même) qui lui avait servi à cacher son arme, sûrement. Surtout, on voit que c’est l’éraste (l’initiateur) à sa barbe bien fournie, indiquant qu’il est un homme dans la pleine force de sa maturité. Ils sont représentés juste au moment fatidique où ils vont abattre leurs bras vengeurs sur Hipparque, dans une pose avantageuse et dynamique indiquant le mouvement ou le moment précédent le mouvement.
copie en marbre d’époque romaine, se trouvant au musée de Naples
A présent, une petite question : à votre avis, pourquoi, dans tant de civilisations et de culture, la virginité de la femme revêt-elle une telle importance, alors qu’on ne fait aucun cas de celle de l’homme ?
Heu, voilà, c’était juste pour transmettre ce secret de polichinelle que nous content avec beaucoup de talent mes profs d’art grec. Après, si j’ai trahi leur enseignement en racontant une quelconque connerie, vous DEVEZ me le dire pour que je me flagelle par pénitence, et que je corrige, éventuellement. Merci.
Tant qu’on y est, j’ai envie de faire une déclaration. Théophile Gautier est un nécrophile. Merci de votre attention.
Plus ! Des expos très prometteuses !
N Sexe, mort et sacrifice dans la religion Mochica. Musée du Quai Branly. Après Sex, drug and rock & roll... un titre racoleur pour une muséographie qui a tout compris à la vie, du moins à ce que le public aime voir. Les Mochicas, j’y avais fait allusion rapidement quelque part., vous savez ceux qu’on appelle les Cacahuetas, pour certains. J’aimerais bien y faire un tour. (super expo pour rancarder, je vous dit)
N Crime et châtiment, au musée d’Orsay. Représentations de suppliciés, de crimes, de criminels, d’engins à calmer les criminels. Du sang, du gore, de la douleur, des morts. Les musées travaillent dur pour attirer le grand public ! j’irai pour prendre des notes, pour ma part.
N et puis il y a aussi Turner, bien sûr ! William Turner, ne vous fourvoyez pas, n’était pas dans la piraterie. Pas celui là. Il a livré des peintures d’une lumière incroyable, a fait des expériences sur la couleur et les formes, qui prélude l’impressionnisme. Au Grand Palais.
N ah, et pour les mélomanes, expo Chopin à la Cité de la Musique, ce qui me donne une excellente excuse pour mettre une peinture de Delacroix dont il était l’ami, et qui lui a tiré le portrait. Un type bien, donc !
N Enfin, l'exposition consacrée à la civilisation de Méroé, au musée du Louvre. une culture méconnue et pourtant riche et brillante, qui, voisine de la très influente Egypte, a su se forger son propre caractère et son originalité et en imposer aux insatiables Romains qui durent renoncer à cette conquête là...
Un jour, prochainement, encore de l’art, mais dans un autre temps, et sous une autre forme.
Vale, et que la langueur du chaud soleil des temps jadis illumine vos rêves en des tableaux bariolés où ricanent de lubriques regards de terre cuite offrant leur doigts plein de sang pour la couleur…
J'ai appris des choses sur les grecs (ce n'était pas très différent d'aujourd'hui, mais ils avaient plus de courage) et j'ai toujours trouvé leurs statues magnifiques