« Depuis longtemps, on accuse les exécuteurs de faire les proxénètes dans les villes. Ce qui est honteux. Et parfois véridique. A ce sujet, les consignes de leur seigneur, U., sont en substance « Si vous vous adonnez à cette activité, alors point ne vous faites gauler, car alors vous n’aurez aucun soutien à attendre de la part de votre Seigneur qui point n’encourage ce genre d’activité». Alors ceux qui s’adonnaient à cette activité tentèrent plus ou moins de ne se point faire gauler, quoique le peuple ne sache rien des directives de leur Seigneur.
Or, un jour, une vieille dame qui avait ouï parler de ce genre de chose et avait le seigneur U. dans son champs de vision et à portée de voix, lui tint à peu près ce langage :
« Hola, seigneur bourreau, j’ai ouï parler que tu entretenais bien honteux commerce avec le corps de jeunes filles, qui point ne t’appartiennent, et cela est grande vilenie. »
A cela, le seigneur U. répondit :
« Ah ! Si pareil commerce existait, dame d’un autre âge, cela ne se ferait certainement pas avec des filles autres que mortes ! »
La bouche plissée de la vieillarde forma un cul de poule sous l’outrage subi par ses oreilles, et elle s’empressa de l’aller répéter autour d’elle, en reformulant. Des murmures s’imprimèrent dans les tapisseries de nombreux châteaux, et depuis l’on tient le seigneur U. pour un proxénète de cimetière. Et un blond hérésiarque de son entourage déclara que c’était le meilleur bordel du monde. »
Les Contes de Malemort
John Henry Fuseli, Le Cauchemar, 1790