Jeudi 15 octobre 2009 à 0:54

« Je chante l’arme et le héros… » Bravo à ceux qui ont reconnu la première partie du premier vers de l’Enéide de Virgile <3 (mais d’où vient la trace de sang maculant la tranche de mon exemplaire ??)
 
Un tel titre, et une telle référence, car aujourd’hui, nous allons (mode Louis XIV power) parler épopée. Et plus précisément, toujours dans le cadre de la fête de Diwali, des épopées made in India. Enfin, d’une plus particulièrement, contée lors de cette fête, le Ramayana.
 
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Le Râmâyana est, avec le Mahâbhârata, l’un des fondements de la littérature hindoue. Ces deux poèmes sont très amples, puisque le premier contient 96 000 vers (soit 24 000 de 4 vers) et le second 440 000 vers (soit 110 000 stances de 4 vers) quand L’Iliade en comporte plus de 15 000, l’Odyssée 12 000 environ, et l’Enéide 9 891 exactement. Pour donner une idée de l’ampleur.
Quant à la rédaction de ces deux monstres sacrés des légendes hindoues, il y a, comme pour l’Iliade et l’Odyssée, controverse. Il ne me semble pas blasphématoire d’avancer que toutes ces œuvres ont été rédigées après une longue tradition orale, ce qui exigé des compilations qui ont elles même pu prendre du temps. Mais de fait, on considère généralement que le Râmâyana et le Mahâbhârata sont contemporains, et qu’ils dateraient, pour leur commencement, du Ve siècle avant notre ère, quoique qu’il n’y ait aucune certitude. La rédaction définitive, elle, est plus tardive, dans les premiers siècles de notre ère.
Rien de très précis tout cela. Mais autant on attribue l’Iliade et l’Odyssée à l’aède aveugle Homère, autant le Râmâyana est considéré pour sa part comme l’œuvre de l’ermite Valmîki. Il me semble que selon la tradition l’un des protagonistes de l’histoire aurait trouvé refuge dans sa grotte à un moment et lui aurait raconté toute l’affaire, mais il se peut que j’hallucine ce passage. Je suis très forte pour imaginer/déformer des informations.
 
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 Pour l’histoire du Râmâyana, la voici:
Nous sommes dans le royaume d’Ayodhya. Son souverain, Dasaratha est béni après ses prières d’une nombreuse progéniture mâle de ses trois différentes épouse. De son épouse principale, Kausaalya, naît Râma, le héros de notre histoire (pour faire une révélation). Celui-ci s’entend comme lardon en poêle (expression oggienne) avec son demi-frère Laksmana, qui l’accompagne durant les diverses quêtes qui l’attendent. Encore adolescents, ils partent ainsi défaire des démons qui pourrissaient le groove d’un certain Visvamitra qui en échange apprend des trucs supers à Râma, genre des formules magiques d’invincibilité, ce qui peut toujours servir, n’est-ce pas.
 
Sur leur lancée, ils vont chez un roi qui propose un défi intéressant : celui qui réussira à bander l’arc de Shiva épousera sa fille, la belle Sitâ. Ca a l’air facile comme ça, encore faut-il avoir la force d’un dieu pour maîtriser son arc ! Pourtant, Râma y parvient, et épouse Sitâ.
 
Et là ça devrait vous rappeler un épisode de l’Odyssée : celui où les prétendants de Pénélope doivent parvenir à bander l’arc d’Ulysse pour pouvoir l’épouser, et que personne d’autre que son propriétaire légitime (à l’arc, mais à Pénélope aussi à la réflexion) ne peut manier. Comme quoi il y a des thèmes universels.
 
Pour en revenir à nos tourtereaux des bords du Gange, sûrement que Râma n’aurait pas relevé le défi si Sitâ n’avait pas été dotée de toutes les vertus, du moins de sa beauté, mais voilà, on ne fait pas une épopée avec des héros moches et pervers, aussi un profond et pur amour lie les deux jeunes gens.
 
 
En rentrant chez lui, Râma se révèle être un avatar de Vishnu, ayant réussi à bander l’arc de ce dieu lors du défi imposé par un démon croisé en chemin. C’est pourquoi, à mon sens, Râma est représenté comme Vishnu, et Krishna comme ci dessous. Ah, et pour faire le tour, Sitâ n’est autre, en réalité, qu’un avatar de Lakshmi, épouse de Vishnu, ce qui peut expliquer certaines choses. ET Krishna est aussi un avatar de Vishnu, comme ça la boucle est bouclée.
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Là vous avez Laksmana, Râma, Sitâ, et agenouillé, c’est Hanuman.
 
 
 
Une épopée ne pouvant pas ne pas contenir de drames, voici l’élément perturbateur qui s’amène avec ses gros sabots pour foutre le bazar dans ce tableau idyllique. L’élément perturbateur se nomme Kaikeyi, et c’est la troisième épouse du papa de Râma. Elle parvient à intriguer de sorte que c’est son fils, et non Râma, qui devienne héritier du trône d’Ayodhya. Râma est contraint à l’exil par cette même femme, et part dans la forêt, toujours accompagné de la fidèle Sitâ et du loyal Laksmana.
 
Un autre élément perturbateur pointe le bout de son nez. C’est le cas de le dire, vous allez voir pourquoi. Cette fois-ci, il s’agit d’une démone qui tente de séduire Râma. Repoussée, car Râma est un homme fidèle, et défigurée par Laksmana qui lui coupe le nez, elle se venge en venant décrire à son frère Ravana la beauté de Sitâ. Si bien que le démon, roi de son état et qui a la particularité peu commune d’avoir 10 têtes et 20 bras, ce qui ne doit pas être évident pour draguer, s’en vient enlever Sitâ. Malgré tout, et surtout malgré son état de démon, il veut que Sitâ cède à son désir de son propre gré, et non pas par la force, si bien qu’il passe son temps à tenter de la séduire, en vain. Entre nous, s’il s’était mis à vouloir lui mettre des gifles, elle aurait vraiment été dans une position délicate.
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Ravana, avec une seule tête.
 
 
Notre Râma souffre dans son cœur de héros, car il ne sait pas où Sitâ peut même se trouver ! Lui et son frère rencontrent alors un certain Hanuman, qui leur propose un deal : si Râma aide son roi à retrouver son trône, alors lui et son peuple –ce sont des singes, en passant- l’aideront à retrouver Sitâ. Ce qui fut fait, dans un nombre de vers certainement très conséquent. Hanuman, très dévoué à la cause de Râma, finit par retrouver Sitâ. Seulement voilà, il ne va pas la libérer non plus, ce n’est pas lui son mari, ça serait un outrage ! Il prévient donc Ravana que ça va être sa fête, et retourne chercher Râma. S’ensuit un combat bien entendu épique (donc long), et Sitâ est enfin libérée. 
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 Ici,Rravana a toutes ces têtes. celles qui sont par terre ne sont donc pas à lui. Et là on se rend compte que 20 bras, quand on est un guerrier, ben c'est rudement pratique.
 
 
 
Ici, Râma, le valeureux, le bienveillant, le sage, le juste, le fidèle, se met à douter de Sitâ. Il fallait bien qu’il ait une tare quand même. Et je ne veux pas en entendre ressortir le vieux dicton « souvent femme varie, bien fol qui s’y fie » ! Il est convaincu qu’elle s’est donnée à Ravana, qui a une réputation de séducteur –comme quoi 10 têtes bien faites et 20 bras musculeux sont de bons arguments pour faire la cour en fin de compte.
 
Voici qui rappelle aussi l’Odyssée ! Juste après sa victoire sur les prétendants, Ulysse tire la tronche à Pénélope parce qu’elle mettait un peu trop de temps à le reconnaître à son goût. Et surtout parce qu’il pensait, lui aussi, que Pénélope avait fait des folies de son corps en son absence. Non mais je vous jure, à quoi ça vous sert d’être vertueuse et de vous tordre la tête pour repousser tous les gros lourds qui vous assaillent de leur concupiscence ? Ben à voir l’être aimé vous faire une démonstration magistrale de défiance. Alors qu’Ulysse ne s’est pas gêné de son côté pour folâtrer avec Calypso, n’est-ce pas ? enfin bon, puisque c’est Hermès qui l’a poussé dans ses bras avec son « on ne refuse pas la couche d’une déesse »…
 
 
Bref ! Râma, Sitâ, le retour, on était en plein suspense sur le sort de la pauvre captive, à peine libérée et déjà sous la menace de la suspicion de son époux. Eh ! bien !…Il la répudie. Sitâ bien sûr est effondrée et se précipite dans un bûcher pour le convaincre de son innocence. De fait, le feu ne la brûle pas et elle ressort intacte des flammes qui ne pouvaient consumer une telle pureté.
 
Epilogue : Râma et Sitâ retournent ainsi en Ayodhya où ils vont régner longuement, puis il abandonne la royauté, prie pour ses compagnons d’armes, s’engouffre avec sa suite dans les eaux et retrouve sa nature divine.
 
Si vous voulez jeter un œil (vous le récupérerez après, hein) sur le Râmâyana, c’est par  (j’aime wikisource)
 
 
 Voici pour la petite plongée au cœur des légendes qui font l’âme de l’Inde ! J’ai toujours été fascinée par cette culture, et je suis bien contente de pouvoir trouver des prétextes pour me plonger un peu dans son univers ! Et puis les mythologies, c’est franchement mon truc. D’ailleurs, merci au Larousse des mythologies sur lequel je me suis bien appuyé pour cet article.
D’ailleurs s’il se trouve ici un lecteur courageux, c’est qu’il doit aussi aimer ça. Aussi, à toi, brave lecteur, si tu as des mythes fétiches ou que tu veux en connaître d’autres, n’hésites pas, les commentaires c’est juste après. 
 
Autrement niveau racontage de vie, je ne sais pas pourquoi, mais ça me fait vraiment tout drôle d’être en master. Mais je ne pouvais pas non plus continuer à passer 36 licences ! Ah, et l’émotion d’arriver dans le rayon égyptologie de la bibliothèque, d’avoir une légitimité à étudier ces livres. Enfin. Comme une espèce de reconnaissance. Oui, vraiment le sentiment d’avoir fait un level up, pour parler geek. Une sorte d’aboutissement, ou de nouveau commencement, plutôt. Bon, même si je ne peux pas me détacher de ces satanés Romains (satané est un qualificatif affectueux chez moi).
 
Enfin, les expos à voir :
 
àTeotihuacan, cité des dieux, au musée du Quai Branly. Comme préparation pour apprécier encore mieux l’exposition, il me semble que jeter un œil dans le magazine Dossier d’archéologie, hors série numéro 17, consacré au sujet, est une très bonne chose ! Mais, étant hors de prix, il vaut mieux s’arranger pour l’emprunter, en fait.
 
 
à De Byzance à Istanbul, au Grand Palais. C’est un devoir pour un cours. J’aime de plus en plus la fac, c’est dingue.
 
 
 
Vale, et que les démons à mille têtes ne fassent pas tourner la vôtre, autrement vous pourriez la perdre et ça serait embêtant, sauf si vous voulez jouer à l’ulama.

Vendredi 25 septembre 2009 à 11:42

Salutations à tous ceux qui pourraient poser les yeux ici ! (et ils sont rares, donc d’autant plus méritants)
 
Je participe au concours d’Iris sur son blog Theparvatishop, afin de célébrer la fête Indienne de Diwali ! (allez par ici pour en apprendre un peu plus sur cette fête)
 
 
Ce qui est l’occasion de faire un peu de pub, amplement méritée, pour cette jeune créatrice de vêtements top moumoute d’inspiration hippie !
Iris vous propose des pièces uniques, dans des tissus chatoyants et confortables, qui s’adaptent à toutes vos envies !
Si elle vous propose notamment des modèles de sarouels indiens et de pantalons samouraï (modèle de son invention) vous pouvez aussi bien lui demander des robes ou tout ce qui vous passera par la tête, avec les tissus proposés sur son blog.
Je ne peux que vous recommander chaudement d’aller y faire un tour (en cliquant sur l’image) pour vous rendre compte par vous-même de l’étendue de son talent ;)
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Je l’ai rencontrée grâce à ma Sarah lors d’une expo dans mon patelin, et j’ai tout de suite été sous le charme de ses créations… et je n’étais pas la seule puisque ma Buf lui en a même pris 2 !
J’ai à mon tour pris commande pour un pantalon samouraï et une jupe très inspirée de son magnifique sarouel « india » et je dois dire que j’ai hâte de pouvoir me la péter avec XD
 
Pour finir, en lui achetant de ses créations, vous ferez de bonnes actions ! pour vous-même puisque vous aurez des fringues supers, pour elle car vous encouragerez son commerce et sa créativité, et puis enfin vous l’aiderez à vivre de son rêve d’un mode de vie écolo.
 
Bon alors, qu’est ce que vous faites encore là ?
 
En l’honneur de ce concours et de Diwali, l’habillage de ce blog sera bab ! Et je crois que je vais lire le Ramayana ! (ou bien le Mahâbhârata que je possède déjà !)
 
Vale, et que vos rêves psychédéliques vous emporte dans un pays de lumières et de couleurs dans lequel vous serez, tel Kuranes, roi pour toute éternité.
 

Vendredi 4 septembre 2009 à 3:06

 
« Depuis longtemps, on accuse les exécuteurs de faire les proxénètes dans les villes. Ce qui est honteux. Et parfois véridique. A ce sujet, les consignes de leur seigneur, U., sont en substance  « Si vous vous adonnez à cette activité, alors point ne vous faites gauler, car alors vous n’aurez aucun soutien à attendre de la part de votre Seigneur qui point n’encourage ce genre d’activité». Alors ceux qui s’adonnaient à cette activité tentèrent plus ou moins de ne se point faire gauler, quoique le peuple ne sache rien des directives de leur Seigneur.
Or, un jour, une vieille dame qui avait ouï parler de ce genre de chose et avait le seigneur U. dans son champs de vision et à portée de voix, lui tint à peu près ce langage :
« Hola, seigneur bourreau, j’ai ouï parler que tu entretenais bien honteux commerce avec le corps de jeunes filles, qui point ne t’appartiennent, et cela est grande vilenie. »
A cela, le seigneur U. répondit :
« Ah ! Si pareil commerce existait, dame d’un autre âge, cela ne se ferait certainement pas avec des filles autres que mortes ! »
La bouche plissée de la vieillarde forma un cul de poule sous l’outrage subi par ses oreilles, et elle s’empressa de l’aller répéter autour d’elle, en reformulant. Des murmures s’imprimèrent dans les tapisseries de nombreux châteaux, et depuis l’on tient le seigneur U. pour un proxénète de cimetière. Et un blond hérésiarque de son entourage déclara que c’était le meilleur bordel du monde. »
 
Les Contes de Malemort

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John Henry Fuseli, Le Cauchemar, 1790
 

Dimanche 26 juillet 2009 à 15:00

« Les enseignes du roi des Enfers s’avancent »
Dante, la Divine Comédie, l’Enfer, XXXIV, 1
 
All hail, all hail. Et bien ça prend la poussière par ici! Manque de motivation, de temps, d’envie simplement. Sachant que je voulais que le prochain article posté présente le dessin promis à Aya, que je ne peux me résoudre à exposer en raison de son extrême laideur, j’ai longtemps renâclé à poster avant de remettre ce pénible instant de honte à plus tard.
Passons. Manque de temps, entre l’administratif (j’ai mon année, ce qui est heureux, mais bonjour la galère pour s’inscrire en master quand on n'a pas eu le moindre renseignement de l’année faute de profs sous la main) et le boulot (fort plaisant au demeurant, que je me trouve très chanceuse d’avoir).
 
            Ha et sinon, si vous avez vécu un nombre incroyable de déveines et de petits tracas irritants dans votre vie quotidienne entre le 14 et le 18 juillet, c’est normal, c’était les jours épagomènes du calendrier de l’Egypte ancienne. Il s’agissait des 5 derniers jours de l’année, et bien que l’on y célébrât la naissance de 5 des principaux dieux de l’Ennéade égyptienne (Osiris, Horus l’Ancien, Seth, Isis et Nephtys), ils étaient considérés comme néfastes, et il valait mieux éviter de sortir. Et j’ai vérifié, ça n’est pas arrivé qu’à moi, ce n’est pas de la paranoïa !
http://www.e-voyance.com/dossier/im_astrologie/Denderah.jpg
 
 
Bref, en fait je fais un article pour la saint Joachim. Il faut bien trouver des prétextes pour écrire hein. Joachim a beau avoir l’immatérialité des rêves (ou des cauchemars, c’est selon) il est si vivant dans mon esprit qu’il a véritablement acquis une existence propre, ainsi que ceux qu’il aime à persécuter gentiment.
Donc, pour fêter Joachim, voici un petit florilège des meilleures histoires (selon moi, hein) d’ecclésiastiques qui ont mal tourné malgré une profonde piété qui parfois n’est que feinte. Si ça ne rappelle pas un certain kinquisitor ça. (pas de faute de frappe, trouvez vous-même le jeu de mot pourri)
 
Matthew Gregory Lewis (1775-1818) : Le Moine (1796)
L’auteur avait à peine 20 ans, d’après son propre aveu, lorsqu’il écrivit cette nouvelle. Diantre, je donnerais cher pour être capable de faire moitié aussi bien.
Cet ouvrage est un bijou : du romantisme anglais des débuts, du pur gothique, une histoire malsaine transposée dans l’Espagne de l’Inquisition, et surtout, surtout… un moine qui se déprave. Il y a longtemps que je l’ai lu (je n’arrive pas à remettre la main sur mon exemplaire, perdu au fond d’une couche stratigraphique sans doute ancienne dans le terrain de fouille très fertile de ce qui me sert de chambre), je ne me souviens donc plus de tout, mais l’histoire se laisse lire avec grand plaisir. Cependant, comme il y a de nombreux personnages, et ainsi de nombreuses intrigues, il ne faut pas abandonner sa lecture trop longtemps au risque d’avoir du mal à tout remettre.
Ah, oui, le fil conducteur est tout de même l’histoire d’un moine, Ambrosio, pénétré d’une incroyable piété, que l’on le voit perdre au fil du récit pour sombrer dans la violence et la dépravation impliquant aussi une jeune demoiselle de haute vertu, Antonia.
A cette lecture, on ne s’étonne pas non plus de l’impact que ce roman a pu avoir : il est effectivement très fort, s’attaque à des thèmes glauques et choquants, surtout au XIXème siècle, mêlant satanisme, hypocrisie religieuse, sorcellerieinceste, viol, luxure, etc, avec des descriptions très parlantes. Une qui m’a tant marquée que je m’en souviens encore concerne la description de la putréfaction d’un nouveau-né que sa mère serrait encore amoureusement dans ses bras au fond de moites catacombes. Damned, il faut vraiment que je le retrouve.
Dans mes souvenirs, toujours, l’auteur (enfin la traduction aussi faut dire) arrivait à dépeindre une ambiance délicieuse. Bref, un livre à ne pas rater.
Le lire en ligne (dans un français qui date un peu)
 
http://clintedwardsmusic.com/blog/wp-content/uploads/2008/11/oehme_cathedral.jpg
Ernst Ferdinand Oehme, cathedrale en hiver, 1821
 
E.T.A. Hoffman : 1776-1822: les Elixirs du Diable (1816)
Le Diable est décidément l’ami des romantiques. Vous remarquerez que les deux auteurs sont exactement contemporains. Hoffman a été très influencé par la lecture du Moine de Lewis, ce qui se ressent totalement dans l’intrigue (le fait qu’Ambrosio et Médard soient tous deux des prédicateurs capucins, notamment, et qu’ils soient l’objet des tentations diaboliques, inspirées par la vue d’une sainte sur une peinture) Hoffman allant jusqu’à citer l’œuvre de Lewis, que lit une de ses héroïnes (lecture choquante s’il en faut quand on dépeint cette demoiselle comme une sainte virginale)
Là, on est encore en plein romantisme, en plein gothique, mais cette fois du côté allemand. Je viens de le finir, donc les impressions sont cette fois toutes fraîches dans ma tête.
L’histoire est donc celle des pérégrinations de Médard, jeune moine capucin, sur les voies du vice et de la rédemption, au gré d’aventures tout à fait rocambolesques.
Parfois un peu trop, certaines fois ce qui arrive à notre héros est un peu gros, sous prétexte d’un merveilleux hasard –diabolique- qui devient un peu lassant. J’aime beaucoup le style XIXeme, mais par moment celui-ci était plutôt ronflant et ennuyant (ouais exactement comme celui que j’emploie ici), et les revirements de sentiments, incessants, de Médard, ne l’étaient pas moins. Je déplore aussi les dialogues parfois trop longs entre les personnages, surtout quand ils sont secondaires et qu’ils racontent leurs vies ou se perdent dans des considérations soit disant philosophiques un peu ridicules. Dernier point noir, dans la dernière partie du livre, les généalogies sensées révéler le fin fond de l’affaire sont difficiles à suivre (tout le monde s’appelant pareil) ce qui devient désagréable.
Ca fait pas mal de points négatifs, surtout si on compare au Moine de Lewis, mais en fait c’est un roman très agréable à lire, dans un style plutôt plaisant, et la descente aux enfers du moine est très intéressante, ainsi que les révélations successives. Les meilleures scènes sont bien sûr les plus glauques, même si elles ne tiennent pas la comparaison avec… vous aurez compris quoi. Oui, parce qu’on sent quand même une morale chrétienne derrière tout ça, ce qui était moins présent dans le Moine, plus sombre et plus violent. Autrement, l’histoire du vieux peintre est l’une des parties les plus intéressantes du livre, l’importance de la peinture elle-même m’a beaucoup plu.
En conclusion, j’ai envie de relire Goethe. (Pourtant un anti-romantique pictural. Allez comprendre)
 
http://www.museerops.be/techniques/dessin/images/tentation.jpg
Félicien Rops, la tentation de st Antoine, 1878 ( ?)
 
Théophile Gautier (1811-1872) : la Morte Amoureuse (1836)
Déjà évoqué amoureusement ici (et en plus j’évoque Lewis), et pour cause, ce petit bijou ne cesse de me ravir. Chaque pays marqué par le romantisme se devait d’avoir son histoire de prêtre sombrant dans le péché, et en France, cela me semble le plus beau récit de ce genre (parce que je suis en train de penser à Frollo dans Notre Dame de Paris, de Victor Hugo, mais ça fait teeeeellement longtemps que je ne l’ai pas lu en même temps que je ne me rappelle pas vraiment en quels termes sont évoqués les tentations de l’ecclésiastique. Mais bon, on va dire qu’un prêtre et un vampire, c’est plus intéressant.) Pas grand chose d’autre à rajouter que je n’ai déjà dit, la damnation éternelle d’un ecclésiastique pour une morte, conté par Gautier, et bien c’est le panard, mes amis.
Il me semble que le siècle où se passent les actions des ouvrages cités doit être à peu près le même. XVIIe-XVIIIe (ah si y’a pas de quoi se damner avec ça)
 
http://hoocher.com/Francisco_de_Goya/GOYA_Francisco_de_The_Bewitched_Man_1798.jpg
Francisco de Goya, l’homme ensorcelé, 1798
 
Pour finir, une lecture actuelle qui me plaît également beaucoup, même si elle est d’un style radicalement différent de ce qui vient d’être cité. Parce qu’il faut bien ouvrir ses horizons.
Effectivement, une fois n’est pas coutume, je vais citer un manhwa (je pense que vous savez tous mieux que moi de quoi il s’agit), Priest, de Hyung Min-woo. Commencé en 1998, cette série comprend aujourd’hui 16 volumes, et n’est toujours pas terminée.
C’est l’histoire d’un prêtre (vous l’aurez compris, je crois), Ivan Isaak, qui s’est retrouvé dans une situation suffisamment fâcheuse pour avoir à vendre la moitié de son âme au Diable. Que ferait-on sans lui, je vous le demande. Instrument du Malin, il trucide avec une efficacité qui ne cède en rien à une mortelle élégance (quoi j’interprète ça à ma sauce ?) tout ce que ledit Malin se plaît à lui désigner, et parfois il fait aussi des extra. Bien sûr, notre prêtre psychopathe et à demi possédé ne veut pas se laisser imposer sa conduite, et, bien sûr, il y a une histoire d’amour coupable derrière tout ça…
Je n’en suis qu’aux premiers volumes mais j’accroche bien à l’histoire et aux graphismes aussi tranchants et efficaces (et beaux) que la lame d’Ivan. Hey un prêtre à forte capillarité exerçant l’art de l’exorcisme express dans le wild wild west XIXe, si ce n’est pas le bonheur ça, qu’est-ce donc ?
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Trêve de bavardages, mirez donc sa allmighty classe. Pour une fois, je dois dire que je suis fan du personnage principal qu’on me présente. Il faut dire qu’il a tout pour plaire, avouez.
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Oh, et il paraît que cette merveilleuse histoire va être portée à l’écran. Il y a de quoi avoir peur, je le confesse, les adaptations de ce genre étant souvent… et bien… pas hasardeuses, mais dangereuses en tout cas. Mais bon, Paul Bettany est désigné pour incarner Ivan Isaak, ce qui est plutôt rassurant. Si vous ne le remettez pas, il a incarné, avec brio, Silas, le moine (tiens donc) albinos qui passait son temps à se flageller dans le Da Vinci Code. Prometteur, non ? J’espère juste que cette fois ils ne l’amputeront pas des cheveux…
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Ce qui est le plus intéressant dans ces histoires impliquant des hommes de Dieu, c’est leur combat entre l’aspect spirituel de leur être, et leur aspect charnel, c’est la bataille entre l’esprit et le corps, c’est se rendre compte que finalement leur foi ne les sauve pas de n’être que des hommes, qu’ils peuvent eux-même souiller ce qui est pour eux le plus sacré, le plus céleste, s’abandonnant finalement à leurs bas instincts avec un contentement et une perversion encore plus malsaine que ceux du commun des mortels. Leur déchéance n’en est que plus terrible, plus perversement délicieuse, leur damnation plus retentissante. Ne serait-ce que pour eux-même, céder après cette longue lutte qui a eut lieu sous leur crâne, le martyr de la tentation, de sentir la faiblesse des convictions sacrées face à la persuasion de la chair. Et cette jouissance encore plus grande du vice, une fois que le pas est franchi, et qu’il n’y a plus de rédemption permise, une chasse effrénée pour ne plus avoir à regarder en arrière, pour ne plus penser à ce qui a été perdu –la foi qui faisait de la vie, de l’univers et de la mort des espaces structurés, régis par des lois, une morale, un équilibre- tout cela volé en éclat. Il ne reste plus qu’à s’enfoncer et se complaire dans une corruption de plus en plus poussée, de plus en plus terrible, de plus en plus irréparable. Voilà l’âme irrémédiablement perdue, avec la connaissance que des portes se sont fermées à jamais. Et la torture éternelle pour ceux qui souhaitent finalement s’amender…
 
Ah, et pour finir… Plutôt que de gâcher votre précieux argent dans Toilettes (ça ne laisse aucun doute sur son contenu), optez donc plutôt pour Carpe Jugulum, de Terry Pratchett, qui vient de sortir en poche. Une histoire de vampires autrement plus intéressante, où les célèbres sorcières de Lancre en ont après les Margopyr, buveurs de sang d’un genre nouveau ! Ca se dévore tout seul, c’est toujours aussi hilarant, notamment les réparties d’Igor et de Nounou dans le château, je dois dire. Certaines réflexions de Perdita, concernant Vlad (dans le passage où Nounou incite à la débauche, suivant son habitude) sont particulièrement savoureuses. Ah, et ce n’est pas éloigné du sujet puisqu’on y voit aussi un jeune ecclésiastique dont la foi va être mise à très rude épreuve…
A ne pas lire dans un lieu public, à moins que vous vous fichiez que vos voisins immédiats s’interrogent sur l’état de votre santé mentale en vous entendant rire comme un dément. Je sais que peu de personnes partagent mon enthousiasme pour cet auteur qui sait détourner, pour s’en jouer avec bonheur, les clichés qui dans cette histoire concernent les vampires et rappellent beaucoup les vieux films de la Hammer. 
http://www.jigsawgallery.com/prodpics/G597.jpg
 
Bien, assez de déviances pour aujourd’hui, ite missa est, comme qui dirait. Au prochain post, le dessin pour Aya. J’ai honte mais j’ai promis. En fait, je vais le refaire je crois.
Dernière chose : je ne peux m’empêcher de vous mettre une toile d’Ary Scheffer que j’ai trouvé extraordinaire lors de ma visite au Petit Palais (pour voir William Blake, moment d’intense émotion !) c’est son St Thomas d’Aquin prêchant la confiance en Dieu durant la tempête. Ce que je trouve de plus magnifique dans ce tableau (qui représente un ecclésiastique, et quel ecclésiastique, mes amis !) c’est qu’il fait très rock & roll. Sans rire, on croirait Thomas d’Aquin en plein concert devant une foule en délire. Vous ne trouvez pas ? En vrai, la toile est immense, et je vous jure que c’est beaucoup plus évident quand on l’a en face de soi.
 http://lostsoulslair.cowblog.fr/images/SchefferStThomasdAquinprechantlaconfianceendieupendantlatempete.jpg
Vale, et que les mangeurs de chairs en pierres du désert vous laissent suffisamment de sang pour que vous puissiez en remplir une coupe. Car celui « qui jettera l’autre en bas sera roi et aura droit de boire du sang ».

Vendredi 5 juin 2009 à 2:11

Edit: Je profite d'un petit rajout sur l'article pour vous spécifier la venue d'un nouvel habillage. Ce n'est pas "Khem" que je viens de mettre par défaut, qui date d'il y a un bon moment, mais de "psychédélire hérétique", fait dans un moment de surchauffe mentale du aux révisions. C'est hippie, c'est plein de couleurs, c'est choquant. Mais c'est moi aussi. baba ghoule power.  
 
 OHOHOH. Non, ce n’est pas la fête du Porcher, loin s’en faut. Période de révisions. Enfin, peut-on parler de révisions quand on n’a pas eu de cours sur le sujet sur lequel on sera interrogé ?
Là, j’ai le droit de faire un article, parce que je fais ce que je veux, d’une part, et que le thème est directement lié à mes révisions, d’autre part.
J’aime Eugène. Bon, j’aime deux Eugène. Pour l’un, vous trouverez tout, ou presque, ici,  de mes amoureuses déviances. Ah non en fait vous ne trouverez pas grand-chose vu que j’ai eu la flemme de faire les mots clefs pour tous mes articles. L’autre, et bien j’en ai déjà parlé aussi , c’est Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, que j’ai demandé en mariage il y a 2 ans bientôt (toujours pas de réponse soit dit en passant.)
J’aime Eugène. Vous saviez ? Et lorsque j’ai lu ces lignes, mon amour pour lui s’en est trouvé renforcé encore davantage. 

http://lostsoulslair.cowblog.fr/images/violletleduc.jpg

A monsieur Tournal, conservateur des musées de Narbonne
 
Paris, 8 décembre 1847
 
Mon cher ami,
Vous êtes comme toujours un homme charmant, mais vous êtes conservateur de musée et, par conséquent, né pillard, saccageur de monuments, arracheur de bas-reliefs ; vous avez enfin les qualités et les défauts de votre état, sauf le respect et l’amitié que je vous porte.
Ne trouvez-vous pas que nos églises aient été suffisamment dépouillées, et voulez-vous enlever le peu qui leur reste ? Ainsi faisait le père Lenoir, de terrible mémoire ; pour conserver dans son musée une clef de voûte qui lui plaisait, il jetait bas la chapelle dont cette clef dépendait, ce qui n’a pas empêcher l’Empereur de lui tirer l’oreille, de lui promettre beaucoup d’argent, et de lui donner la croix ; mais l’Empereur pillait aussi toute l’Europe pour enrichir le musée du Louvre, et tout cela a aboutit à perdre, à gâter, une bonne quantité de monuments précieux qui, les uns, sont restés au fond de la mer, qui, les autres, sont rentrés chez eux éclopés, usés, fanés, essoufflés, frottés, lavés, rouillés, rayés, cassés, fêlés, désorientés, faussées, bossués, fatigués, descellés, décollés, craquelés, mouillés, pâlis, affadis, roussis, aplatis, gauchis.
Laissons les monuments chez eux, c’est du moins mon avis. Un monument a un intérêt immense à la place, bonne ou mauvaise, qu’on lui a donné, un intérêt qu’il perd quand on le déplace. J’irais à Londres, ce qui peut arriver à tout le monde, que je n’irais pas voir les bas-reliefs du Parthénon, parce que mon imagination me les montre se détachant sur l’azur d’un beau ciel, et que si je voyais dans leur trou actuel, je ne pourrais plus me les figurer qu’entourés de rideaux verts avec d’affreux gardiens roux autour. Les peuples qui font des musées sont des peuples de pirates et de pillards. Passe encore qu’après les révolutions on ouvre des asiles à tous les débris que des fous enragés ont laissés derrière eux, mais qu’on arrache une parcelle quelconque d’un monument pour la placer dans un musée, cela sent son Romain d’une lieue, et vous savez que j’abhorre ce peuple de voleurs parvenus.
Viollet-le-Duc

Remettons-nous dans le contexte pour éclaircir les choses. Nous sommes donc au XIXe siècle (ah, si seulement) et en cette période le top du top c’est le musée. Le musée, c’est la modernité, c’est le temple des arts et du génie de la production humaine, c’est le nec plus ultra de l’éducation, c’est l’autel de la fierté nationale, et donc, chaque ville se devait d’en avoir un pour être dans le coups (ouais je sais ça a bien changé…). L’une des grandes passions aussi au XIXe , c’est l’archéologie. Qui rejoint la première, littéralement parlant, en plus.
 
Et on sent au début de la missive que parfois, les archéologues et les hommes de musées, et bien, ça ne colle pas trop. Eugène était plus architecte qu’archéologue, ce qui ne l’a pas empêché de faire des fouilles et d’écrire des tas de choses très archéologiques (Dictionnaire du Moyen-Age, pour ne citer que lui) ah oui, et il a eu le très grand mérite de participer à la reconnaissance du patrimoine médiéval, qui était largement méprisé durant très longtemps, notamment parce que ce n’était pas grec. Ben oui, dès que ce n’est plus grec, ça ne vaut pas le coups, pour certains, à l’époque.
 
Narbonne était l’une des villes où a été fondé un dépôt départemental : en gros, on y réunit les ruines des alentours, donc beaucoup de lapidaire. C’était donc une ville importante, qui se devait d’avoir ces musées. Aussi Paul Tournal en a t’il fondé un en 1833 –qui existe toujours. Musée avec une section archéologie, ce que lui reproche mr Viollet-le-Duc, enfin, surtout les méthodes, puisque pour constituer « le second ensemble d'architecture religieuse de France » et bien il a fallut dépouiller quelques ensembles d’architecture religieuse, précisément. A partir des dépôts, qui arrachaient des bouts intéressants à une ruine ou une autre. Il l’a vu de lui-même, étant venu restaurer la cathédrale de Narbonne dans les alentours de 1843. Ce qui explique aussi qu’il connaisse mr Tournal.
http://www.wiki-narbonne.fr/images/thumb/c/c1/Tournal.jpg/180px-Tournal.jpg
 
 
DONC, au XIXe, dans la frénésie muséale et archéologique, il y a bien sûr eut des abus.
Les églises dépouillées font évidemment référence à la Révolution. On s’est largement servi avec la sécularisation des biens du clergé (2 novembre 1789), l’Etat le premier, pour prendre ce qu’il y avait dedans. Ce qui n’a pas aidé ces monuments souvent déjà en triste état.
Le père Lenoir, c’est Alexandre Lenoir (décédé depuis presque 10 ans quand Eugène rédige sa lettre) passionné par le patrimoine et les musées, il en créa certains, mais pas moins pillard et indélicat pour autant, malgré sa vocation de sauvegarde.
http://www.histoire-image.org/photo/fullscreen/ben31_delafontaine_001z.jpg
Portrait d’Alexandre Lenoir en 1799 par Pierre Maximilien Delafontaine
(j’adore ses sapes je dois dire, surtout le veston noir dessous)
 
 
Ah, et là ça devient très bon !
L’Empereur fait évidemment référence à mon grand ami (enfin… grand… et surtout… « ami » hem) Napoléon Bonaparte, et là, oui mes amis, larmes de bonheur de le voir fustigé par Maître Viollet-le-Duc lui-même ! 
Bonaparte, si vous ne vous en souvenez pas, a profité de mettre l’Europe à feu et à sang pour mener une « politique culturelle » très personnelle qui consistait à délester lesdits pays de leurs plus beaux chefs-d’œuvre… qui furent amenés au Louvre. Mais à un moment il n’y eut plus de place, alors on a envoyé des bouts en région, soit-disant pour que tout le monde ait des chefs d’œuvres. Après tout, on est tous égaux maintenant, pas vrai. On est tous égaux, mais le Louvre un peu plus que les autres quand même (pour reprendre une expression de Coluche) alors le Louvre il garde le plus beau, n’est-ce pas.
Aussi, lorsque le tyran a enfin été défait (passez-vous donc Waterloo d’Abba et chantez avec moi) réussissant tout de même à unir la quasi-totalité de l’Europe… contre la France, lui enlevant tout pouvoir et influence pour un moment, enfin bref, quand il fut défait donc, et bien il a fallut restituer touuuut ce qui avait été pillé…
 
Alors à ceux qui pensent que nous devons le plus beau musée du monde à Napoléon, je dis NON ! on ne lui doit rien !!
 
Et Eugène nous explique avec verve que tous ces transports ont été très nocifs à ces œuvres.
Voyez comme le tyran autoproclamé était infâme. Massacrer la jeunesse ET l’art. ET les droits des femmes, ET l’honneur de… ahem. Bravo quoi.
 
Vous pouvez-donc constater qu’Eugène était un partisan de laisser les œuvres, surtout les vestiges archéologiques, où elles se trouvent. Ce qui se défend tout à fait. Dans une salle aseptisée de musée, un bout de monument seul comme ça, hors contexte, perd beaucoup de son identité, de son essence. Non, mais c’est vrai, allez dans la section des arts africains, océaniens et américains du Louvre. Je suis très exaltée de voir ses œuvres, d’avoir des fragments de culture de l’autre bout du monde et du temps sous les yeux, d’admirer leur beauté, mais ça fait vraiment étrange de les voir là, complètement coupés de leurs origines, simplement posé là, entre 4 murs blancs et muets (et froids). Quelque part c’est lugubre, et je me prend à tenter d’imaginer ce que ça donnerait, replacé dans le contexte, dans leur environnement d’origine, et je dois dire que forcément, c’est autre chose.
 
 
 
Bien sûr quand ce sont des réfugiés politiques, déjà déplacés de leur contexte par les troubles extérieurs, c’est un bon asile. Et c’est quand même magnifique d’avoir à disposition des objets de toutes les cultures, de tous les temps, rassemblés de façon logique, hein. Mais quand même, quand je vois cette pauvre stèle maya, absolument magnifique au demeurant, on me l’offre, bien sûr je préférerais la mettre chez moi que la remettre dans un coin de monument en ruine dans le fin fond du trou oculaire du Yucatan, mais quelque part j’aimerais mieux la voir à l’endroit qu’on lui avait choisis à l’origine, et telle qu’elle était placée… c’est à dire dans le beau monument flambant neuf avec des tas de chevelus en pagne autour. Et oui, c’est ça le problème, on ne peut pas remonter le temps. Tempus edax rerum.
 
http://accel6.mettre-put-idata.over-blog.com/2/01/43/65/Louvre--3-/P1060005.jpg
bon, ok, on ne voit pas grand chose, mais c’est la seule photo de cette stèle que j’ai trouvé.
 
Les historiens sont des nécromants ([racontage de vie/ ON] j’avais casé ça dans un partiel une fois. Textuellement. Et j’ajoute que je suis très fière d’être apprentie nécromante. D’ailleurs ça y est j’ai mon foutu papier d’amour, je peux accrocher ma licence de nécromancie sur mon mur !!! [racontage de vie/OFF]), certes, mais ils ne pourront jamais faire revenir le passé (ouais là faut relire le début de la phrase en fait). 
Tout ça pour dire, ben j’aime quand même fanatiquement les musées, même si ça fait cimetière quelque part, comme le disent certains. Hmm, ouais je suis extrêmement nécrophile en fait.
 
Et donc, pour en revenir à Eugène d’amour (aucun lien avec l’assertion précédente) et bien, il a tout expliqué mieux que moi. Ça aloooors.
Adressez-lui vos louanges la prochaine fois que vous brûlerez de l’encens.
Au fait, non seulement Eugène aimait le gothique, mais aussi les Aztèques et les Mayas. Si ce n’est pas l’homme parfait, ça. Il a même écrit sur leur art et architecture. Et oui. Introduction au Voyage au Mexique de Désiré Charnay.
 
AH. Une autre anecdote amusante concernant les musées et le XIXe siècle : on considérait que c’était un endroit très peu approprié aux « jeunes filles et aux honnêtes femmes »
La raison ? dans un musée, fatalement, à un moment ou à un autre, le chaste regard d’une demoiselle ou d’une dame va tomber sur une sculpture grecque d’un dieu nu, sur un vase représentant des athlètes Grecs nus, sur un tableau représentant un Héros Grec nu (plus rare quand même) que sais-je, sur une momie de dignitaire égyptien nu (oui parce qu’il n’y a pas que les Grecs pour se balader nus, quand même… enfin ...), bref, la virilité ainsi exposée va la choquer. En fait, on pensait plutôt que cette exhibition de nudité mâle provoquait une excitation sexuelle. Bah voyons. La femme, quelle perverse salace alors, c’est sûr que c’est super excitant de voir un bloc de marbre sous la forme d’un barbu à poil, surtout vu les poses super suggestives, ahlalalala. Bon, d’accord, le supplice de Marsyas ( qui fut écorché sur ordre d’Apollon, pour la petite histoire, parce que c’est vrai que les mythes Grecs, c’est cool) présente une pose suggestive, et encore, il faut être déviant. C’est pas pour autant qu’on va vouloir violer la statue quand même ! Racontez votre expérience ! (quelqu’un a déjà violé une statue ?XD A part Pygmalion ? Tiens oui, maintenant que j'y pense, mon esclave l'a fait)
http://www.puc-rio.br/louvre/images/isborghe.jpg
 
en bonus une autre statue avec une pose indécente :
http://images.encarta.msn.com/xrefmedia/sharemed/targets/images/pho/t267/T267386A.jpg
enfin quoi ce n’est pas indécent, c’est de l’art ! là, c’est l’esclave mourant, de Michel-Ange. excusez du peu.
 
 
Par contre, les hommes sont bien sûr à l’abri de toute espèce d’excitation de ce genre, ce sont des esthètes, eux, ils ne voient que la beauté, le génie, l’Art, alors ils peuvent mater tous les tableaux de nanas à poil dans des poses lascives représentant soit-disant des déesses (Grecques) c’est sûr, c’est marqué sur son front, tiens. ON A DIT SON FRONT.
Quelle hypocrisie quand même.
 
http://www.metmuseum.org/toah/images/h2/h2_94.24.1.jpg
La naissance de Venus, par Cabanel, 1875. (il n’y a qu’au partiel que j’ai oublié son nom) les critiques y ont quand même vu une « prostituée en pâte d'amande rose»  ou quelque chose de ce genre. non mais ça se voit que c’est une scène mythologique, voyons ! A noter que Cabanel est le type même de l'artiste "pompier", à savoir qui peint ce qui plaît au public, ce que le public veut voir (au contraire des romantiques, tels maître Delacroix, qui peignent ce qui leur plaît comme ça leur plaît, et Dieu reconnaîtra les siens...ou devinez qui... hey pas ma faute si Lucifer était à la mode chez les romantiques quand même!)et donc, au vu de cette toile, que voulait le public mâle XIXe d'après vous, hmmm? 
 
N’empêche, je crois que je vais faire un master XIXe l’an prochain. Egyptologie et XIXe ça serait possible ?

Vale, et que la vapeur des encens lorsque vous vous ferez un piercing à la langue  vous apporte les visions de vos glorieux ancêtres en pagne. 

 

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