Dimanche 26 juillet 2009 à 15:00

« Les enseignes du roi des Enfers s’avancent »
Dante, la Divine Comédie, l’Enfer, XXXIV, 1
 
All hail, all hail. Et bien ça prend la poussière par ici! Manque de motivation, de temps, d’envie simplement. Sachant que je voulais que le prochain article posté présente le dessin promis à Aya, que je ne peux me résoudre à exposer en raison de son extrême laideur, j’ai longtemps renâclé à poster avant de remettre ce pénible instant de honte à plus tard.
Passons. Manque de temps, entre l’administratif (j’ai mon année, ce qui est heureux, mais bonjour la galère pour s’inscrire en master quand on n'a pas eu le moindre renseignement de l’année faute de profs sous la main) et le boulot (fort plaisant au demeurant, que je me trouve très chanceuse d’avoir).
 
            Ha et sinon, si vous avez vécu un nombre incroyable de déveines et de petits tracas irritants dans votre vie quotidienne entre le 14 et le 18 juillet, c’est normal, c’était les jours épagomènes du calendrier de l’Egypte ancienne. Il s’agissait des 5 derniers jours de l’année, et bien que l’on y célébrât la naissance de 5 des principaux dieux de l’Ennéade égyptienne (Osiris, Horus l’Ancien, Seth, Isis et Nephtys), ils étaient considérés comme néfastes, et il valait mieux éviter de sortir. Et j’ai vérifié, ça n’est pas arrivé qu’à moi, ce n’est pas de la paranoïa !
http://www.e-voyance.com/dossier/im_astrologie/Denderah.jpg
 
 
Bref, en fait je fais un article pour la saint Joachim. Il faut bien trouver des prétextes pour écrire hein. Joachim a beau avoir l’immatérialité des rêves (ou des cauchemars, c’est selon) il est si vivant dans mon esprit qu’il a véritablement acquis une existence propre, ainsi que ceux qu’il aime à persécuter gentiment.
Donc, pour fêter Joachim, voici un petit florilège des meilleures histoires (selon moi, hein) d’ecclésiastiques qui ont mal tourné malgré une profonde piété qui parfois n’est que feinte. Si ça ne rappelle pas un certain kinquisitor ça. (pas de faute de frappe, trouvez vous-même le jeu de mot pourri)
 
Matthew Gregory Lewis (1775-1818) : Le Moine (1796)
L’auteur avait à peine 20 ans, d’après son propre aveu, lorsqu’il écrivit cette nouvelle. Diantre, je donnerais cher pour être capable de faire moitié aussi bien.
Cet ouvrage est un bijou : du romantisme anglais des débuts, du pur gothique, une histoire malsaine transposée dans l’Espagne de l’Inquisition, et surtout, surtout… un moine qui se déprave. Il y a longtemps que je l’ai lu (je n’arrive pas à remettre la main sur mon exemplaire, perdu au fond d’une couche stratigraphique sans doute ancienne dans le terrain de fouille très fertile de ce qui me sert de chambre), je ne me souviens donc plus de tout, mais l’histoire se laisse lire avec grand plaisir. Cependant, comme il y a de nombreux personnages, et ainsi de nombreuses intrigues, il ne faut pas abandonner sa lecture trop longtemps au risque d’avoir du mal à tout remettre.
Ah, oui, le fil conducteur est tout de même l’histoire d’un moine, Ambrosio, pénétré d’une incroyable piété, que l’on le voit perdre au fil du récit pour sombrer dans la violence et la dépravation impliquant aussi une jeune demoiselle de haute vertu, Antonia.
A cette lecture, on ne s’étonne pas non plus de l’impact que ce roman a pu avoir : il est effectivement très fort, s’attaque à des thèmes glauques et choquants, surtout au XIXème siècle, mêlant satanisme, hypocrisie religieuse, sorcellerieinceste, viol, luxure, etc, avec des descriptions très parlantes. Une qui m’a tant marquée que je m’en souviens encore concerne la description de la putréfaction d’un nouveau-né que sa mère serrait encore amoureusement dans ses bras au fond de moites catacombes. Damned, il faut vraiment que je le retrouve.
Dans mes souvenirs, toujours, l’auteur (enfin la traduction aussi faut dire) arrivait à dépeindre une ambiance délicieuse. Bref, un livre à ne pas rater.
Le lire en ligne (dans un français qui date un peu)
 
http://clintedwardsmusic.com/blog/wp-content/uploads/2008/11/oehme_cathedral.jpg
Ernst Ferdinand Oehme, cathedrale en hiver, 1821
 
E.T.A. Hoffman : 1776-1822: les Elixirs du Diable (1816)
Le Diable est décidément l’ami des romantiques. Vous remarquerez que les deux auteurs sont exactement contemporains. Hoffman a été très influencé par la lecture du Moine de Lewis, ce qui se ressent totalement dans l’intrigue (le fait qu’Ambrosio et Médard soient tous deux des prédicateurs capucins, notamment, et qu’ils soient l’objet des tentations diaboliques, inspirées par la vue d’une sainte sur une peinture) Hoffman allant jusqu’à citer l’œuvre de Lewis, que lit une de ses héroïnes (lecture choquante s’il en faut quand on dépeint cette demoiselle comme une sainte virginale)
Là, on est encore en plein romantisme, en plein gothique, mais cette fois du côté allemand. Je viens de le finir, donc les impressions sont cette fois toutes fraîches dans ma tête.
L’histoire est donc celle des pérégrinations de Médard, jeune moine capucin, sur les voies du vice et de la rédemption, au gré d’aventures tout à fait rocambolesques.
Parfois un peu trop, certaines fois ce qui arrive à notre héros est un peu gros, sous prétexte d’un merveilleux hasard –diabolique- qui devient un peu lassant. J’aime beaucoup le style XIXeme, mais par moment celui-ci était plutôt ronflant et ennuyant (ouais exactement comme celui que j’emploie ici), et les revirements de sentiments, incessants, de Médard, ne l’étaient pas moins. Je déplore aussi les dialogues parfois trop longs entre les personnages, surtout quand ils sont secondaires et qu’ils racontent leurs vies ou se perdent dans des considérations soit disant philosophiques un peu ridicules. Dernier point noir, dans la dernière partie du livre, les généalogies sensées révéler le fin fond de l’affaire sont difficiles à suivre (tout le monde s’appelant pareil) ce qui devient désagréable.
Ca fait pas mal de points négatifs, surtout si on compare au Moine de Lewis, mais en fait c’est un roman très agréable à lire, dans un style plutôt plaisant, et la descente aux enfers du moine est très intéressante, ainsi que les révélations successives. Les meilleures scènes sont bien sûr les plus glauques, même si elles ne tiennent pas la comparaison avec… vous aurez compris quoi. Oui, parce qu’on sent quand même une morale chrétienne derrière tout ça, ce qui était moins présent dans le Moine, plus sombre et plus violent. Autrement, l’histoire du vieux peintre est l’une des parties les plus intéressantes du livre, l’importance de la peinture elle-même m’a beaucoup plu.
En conclusion, j’ai envie de relire Goethe. (Pourtant un anti-romantique pictural. Allez comprendre)
 
http://www.museerops.be/techniques/dessin/images/tentation.jpg
Félicien Rops, la tentation de st Antoine, 1878 ( ?)
 
Théophile Gautier (1811-1872) : la Morte Amoureuse (1836)
Déjà évoqué amoureusement ici (et en plus j’évoque Lewis), et pour cause, ce petit bijou ne cesse de me ravir. Chaque pays marqué par le romantisme se devait d’avoir son histoire de prêtre sombrant dans le péché, et en France, cela me semble le plus beau récit de ce genre (parce que je suis en train de penser à Frollo dans Notre Dame de Paris, de Victor Hugo, mais ça fait teeeeellement longtemps que je ne l’ai pas lu en même temps que je ne me rappelle pas vraiment en quels termes sont évoqués les tentations de l’ecclésiastique. Mais bon, on va dire qu’un prêtre et un vampire, c’est plus intéressant.) Pas grand chose d’autre à rajouter que je n’ai déjà dit, la damnation éternelle d’un ecclésiastique pour une morte, conté par Gautier, et bien c’est le panard, mes amis.
Il me semble que le siècle où se passent les actions des ouvrages cités doit être à peu près le même. XVIIe-XVIIIe (ah si y’a pas de quoi se damner avec ça)
 
http://hoocher.com/Francisco_de_Goya/GOYA_Francisco_de_The_Bewitched_Man_1798.jpg
Francisco de Goya, l’homme ensorcelé, 1798
 
Pour finir, une lecture actuelle qui me plaît également beaucoup, même si elle est d’un style radicalement différent de ce qui vient d’être cité. Parce qu’il faut bien ouvrir ses horizons.
Effectivement, une fois n’est pas coutume, je vais citer un manhwa (je pense que vous savez tous mieux que moi de quoi il s’agit), Priest, de Hyung Min-woo. Commencé en 1998, cette série comprend aujourd’hui 16 volumes, et n’est toujours pas terminée.
C’est l’histoire d’un prêtre (vous l’aurez compris, je crois), Ivan Isaak, qui s’est retrouvé dans une situation suffisamment fâcheuse pour avoir à vendre la moitié de son âme au Diable. Que ferait-on sans lui, je vous le demande. Instrument du Malin, il trucide avec une efficacité qui ne cède en rien à une mortelle élégance (quoi j’interprète ça à ma sauce ?) tout ce que ledit Malin se plaît à lui désigner, et parfois il fait aussi des extra. Bien sûr, notre prêtre psychopathe et à demi possédé ne veut pas se laisser imposer sa conduite, et, bien sûr, il y a une histoire d’amour coupable derrière tout ça…
Je n’en suis qu’aux premiers volumes mais j’accroche bien à l’histoire et aux graphismes aussi tranchants et efficaces (et beaux) que la lame d’Ivan. Hey un prêtre à forte capillarité exerçant l’art de l’exorcisme express dans le wild wild west XIXe, si ce n’est pas le bonheur ça, qu’est-ce donc ?
http://www.j-pop.it/download/images/priest_04_BIG.jpg
 
Trêve de bavardages, mirez donc sa allmighty classe. Pour une fois, je dois dire que je suis fan du personnage principal qu’on me présente. Il faut dire qu’il a tout pour plaire, avouez.
http://www.j-pop.it/manhwa/images/priest_subject.jpg
 
Oh, et il paraît que cette merveilleuse histoire va être portée à l’écran. Il y a de quoi avoir peur, je le confesse, les adaptations de ce genre étant souvent… et bien… pas hasardeuses, mais dangereuses en tout cas. Mais bon, Paul Bettany est désigné pour incarner Ivan Isaak, ce qui est plutôt rassurant. Si vous ne le remettez pas, il a incarné, avec brio, Silas, le moine (tiens donc) albinos qui passait son temps à se flageller dans le Da Vinci Code. Prometteur, non ? J’espère juste que cette fois ils ne l’amputeront pas des cheveux…
http://thestar.com.my/archives/2008/10/20/lifefocus/f_pg05silas.jpg
 
Ce qui est le plus intéressant dans ces histoires impliquant des hommes de Dieu, c’est leur combat entre l’aspect spirituel de leur être, et leur aspect charnel, c’est la bataille entre l’esprit et le corps, c’est se rendre compte que finalement leur foi ne les sauve pas de n’être que des hommes, qu’ils peuvent eux-même souiller ce qui est pour eux le plus sacré, le plus céleste, s’abandonnant finalement à leurs bas instincts avec un contentement et une perversion encore plus malsaine que ceux du commun des mortels. Leur déchéance n’en est que plus terrible, plus perversement délicieuse, leur damnation plus retentissante. Ne serait-ce que pour eux-même, céder après cette longue lutte qui a eut lieu sous leur crâne, le martyr de la tentation, de sentir la faiblesse des convictions sacrées face à la persuasion de la chair. Et cette jouissance encore plus grande du vice, une fois que le pas est franchi, et qu’il n’y a plus de rédemption permise, une chasse effrénée pour ne plus avoir à regarder en arrière, pour ne plus penser à ce qui a été perdu –la foi qui faisait de la vie, de l’univers et de la mort des espaces structurés, régis par des lois, une morale, un équilibre- tout cela volé en éclat. Il ne reste plus qu’à s’enfoncer et se complaire dans une corruption de plus en plus poussée, de plus en plus terrible, de plus en plus irréparable. Voilà l’âme irrémédiablement perdue, avec la connaissance que des portes se sont fermées à jamais. Et la torture éternelle pour ceux qui souhaitent finalement s’amender…
 
Ah, et pour finir… Plutôt que de gâcher votre précieux argent dans Toilettes (ça ne laisse aucun doute sur son contenu), optez donc plutôt pour Carpe Jugulum, de Terry Pratchett, qui vient de sortir en poche. Une histoire de vampires autrement plus intéressante, où les célèbres sorcières de Lancre en ont après les Margopyr, buveurs de sang d’un genre nouveau ! Ca se dévore tout seul, c’est toujours aussi hilarant, notamment les réparties d’Igor et de Nounou dans le château, je dois dire. Certaines réflexions de Perdita, concernant Vlad (dans le passage où Nounou incite à la débauche, suivant son habitude) sont particulièrement savoureuses. Ah, et ce n’est pas éloigné du sujet puisqu’on y voit aussi un jeune ecclésiastique dont la foi va être mise à très rude épreuve…
A ne pas lire dans un lieu public, à moins que vous vous fichiez que vos voisins immédiats s’interrogent sur l’état de votre santé mentale en vous entendant rire comme un dément. Je sais que peu de personnes partagent mon enthousiasme pour cet auteur qui sait détourner, pour s’en jouer avec bonheur, les clichés qui dans cette histoire concernent les vampires et rappellent beaucoup les vieux films de la Hammer. 
http://www.jigsawgallery.com/prodpics/G597.jpg
 
Bien, assez de déviances pour aujourd’hui, ite missa est, comme qui dirait. Au prochain post, le dessin pour Aya. J’ai honte mais j’ai promis. En fait, je vais le refaire je crois.
Dernière chose : je ne peux m’empêcher de vous mettre une toile d’Ary Scheffer que j’ai trouvé extraordinaire lors de ma visite au Petit Palais (pour voir William Blake, moment d’intense émotion !) c’est son St Thomas d’Aquin prêchant la confiance en Dieu durant la tempête. Ce que je trouve de plus magnifique dans ce tableau (qui représente un ecclésiastique, et quel ecclésiastique, mes amis !) c’est qu’il fait très rock & roll. Sans rire, on croirait Thomas d’Aquin en plein concert devant une foule en délire. Vous ne trouvez pas ? En vrai, la toile est immense, et je vous jure que c’est beaucoup plus évident quand on l’a en face de soi.
 http://lostsoulslair.cowblog.fr/images/SchefferStThomasdAquinprechantlaconfianceendieupendantlatempete.jpg
Vale, et que les mangeurs de chairs en pierres du désert vous laissent suffisamment de sang pour que vous puissiez en remplir une coupe. Car celui « qui jettera l’autre en bas sera roi et aura droit de boire du sang ».
Par http://www.promenadepeche.fr le Mercredi 10 juin 2015 à 5:03
thanks for post!
Par http://www.ose-linsurmontable.fr le Jeudi 13 août 2015 à 3:51
evenue te remercier de ton com... Vraiment, ton blog est une encyclopédie. Je reviendrais lire après les examens : çà m'amuse...
Par http://www.robocop-timberland.fr le Samedi 26 septembre 2015 à 10:20
, et que les jours épagomènes ne vous soient point défavorables et vous permette de vous torcher à la bière en vous faisan
Par http://www.soroptimistfirenze.it le Mercredi 7 octobre 2015 à 10:51
Il me semble que l’une des seules sœurs d’Akhenaton qui nous soit connu se nommait Satamon,
Par http://www.robocop-timberlandpc.fr le Vendredi 9 octobre 2015 à 11:24
Vale, et que les démons à mille têtes ne fassent pas tourner la vôtre, autrement vous p
Par http://www.electricite-generale-ajelec.fr le Mardi 17 novembre 2015 à 2:07
Il me semble que l’une des seules sœurs d’Akhenaton qui nous soit connu se nommait Satamon,
Par http://www.hotel-restaurant-causse-mejean.fr le Vendredi 27 novembre 2015 à 4:21
Faudra que tu m'en dises plus sur ton master, je crois que j'ai une ex qui fait ça aussi.
Par http://www.3foot5.fr le Vendredi 8 janvier 2016 à 10:08
Ce qui est l’occasion de faire un peu de pub, amplement méritée, pour cette jeune créatrice de vêtements top moumoute d’inspiration hippie !
Par http://www.pocket-quad-enfant.fr le Mercredi 13 janvier 2016 à 3:38
nous sommes la on peut te donner des conseils, te prendre dans nos bras tu sais!
on taime
Par http://www.bybloscitadelle.fr le Jeudi 14 janvier 2016 à 8:15
J'espère que ça va continuer!
Par http://www.cb31informatique.fr le Jeudi 10 mars 2016 à 2:17
Comme quoi il y a des thèmes universels.
Par victoria secret uk le Jeudi 5 mai 2016 à 3:22
, c'est assez fun comme époque ^^
Par http://www.auberge-catalane.fr le Mardi 10 mai 2016 à 4:41
En fait, qui n’a rien déchaîné du tout, mais ce n’est pas grave, on va faire comme si.
Par http://www.assistance76.fr le Jeudi 30 juin 2016 à 4:52
couloirs la nuit alors qu'il a tous les pouvoirs…
Par puma pas cher le Samedi 3 septembre 2016 à 4:04
Pour finir, en lui achetant de ses créations, vous ferez de bonnes actions !
Par Adidas Pas Cher le Lundi 10 octobre 2016 à 3:41
ans aucune considération nécrophile.
 

proférer une hérésie/ diffamer/ dénoncer/confesser









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