Dimanche 7 octobre 2007 à 2:20

Una salus victis nullam sperare salutem

Virgile

 

 

L'unique salut des vaincus est de n'espérer aucun salut

 

Eugène  Delacroix (pour changer) : Christ à la colonne

Jeudi 13 septembre 2007 à 2:20

Toutes les bonnes choses ayant une fin, la saison médiévale est terminée pour moi. J'aimerais faire un florilège du meilleur du pire entendu sur le campement, mais il me faudrait alors tout relater. néanmoins je garde ce projet sous le coude, histoire que nous n'oublions pas dans quels abysses peuvent sombrer les meilleurs d'entre nous. Il est néanmoins bon de s'y plonger parfois!

et voilà qu'à l'horizon se profilent des angoisses et des soucis, et des interrogations, auxquelles il me faudra impérativement répondre. Il ne me faudra pas garder le silence tel Perceval devant le cortège du Graal.

en invoquant un être aimé, le but de cet article était de faire partager une exaltation du moment. me voici plongée avec délice dans l'oeuvre d'un de mes maîtres, dont j'ai déjà souvent invoqué amoureusement le nom (ça me rappelle un dialogue dans le Nom de la Rose: "Avez vous déjà été amoureux, Maître?" "oh oui, très souvent! Aristote, Ovide, Virgile...") oui, car je parle du très aimé Virgile. Son Enéide, quoi que l'on puisse en dire qu'elle est une oeuvre de propagande, ne recèle pas moins des trésors sans fin du talent innefable du poète. Mon âme vibre en ne lisant rien que la traduction. Pour avoir étudié l'oeuvre en latin (et avoir eu une excellente note en tombant sur un de ses textes au bac) je sais comme l'original est ô combien plus beau et émouvant. C'est pourquoi je tenais (il en aura fallu du temps pour arriver au sujet de l'article) à mettre ici un passage qui m'a particulièrement bouleversée, la fin du chant IV, la mort de Didon, vers 682 à 705

petit résumé pour ceux qui ignorent toute l'histoire, et pour situer le passage lui même: Enée a fui Troie envahie par ruse par les grecs sur ordre des dieux, afin de refonder sa ville en Italie. après diverses pérégrinations et tempète, il arrive à Carthage où la reine Didon s'amourache de lui. Quoique attaché à son amante, Enée est rappelé à l'ordre par les dieux et doit partir sans tarder. Le désespoir et le courroux de Didon sont immenses. Après avoir maudit les Troyens (malédiction qui s'accomplira avec les guerres Puniques bien plus tard) elle se suicide sur le bûcher qu'elle avait demandé à sa soeur Anna de dresser, prétextant y faire brûler tous les souvenirs liés à Enée. Elle  s'enfonce dans le coeur une arme laissée par Enée, s'effondrant dans le lit "où elle s'est perdue". Sa soeur arrive à ce moment et maudit son manque de discernement.

‘exstinxti te meque, soror, populumque patresque
Sidonios urbemque tuam. date, uulnera lymphis
abluam et, extremus si quis super halitus errat,
ore legam.' sic fata gradus euaserat altos,               
semianimemque sinu germanam amplexa fouebat
cum gemitu atque atros siccabat ueste cruores.
illa grauis oculos conata attollere rursus
deficit; infixum stridit sub pectore uulnus.
ter sese attollens cubitoque adnixa leuauit,               
ter reuoluta toro est oculisque errantibus alto
quaesiuit caelo lucem ingemuitque reperta.

 

Tum Iuno omnipotens longum miserata dolorem
difficilisque obitus Irim demisit Olympo
quae luctantem animam nexosque resolueret artus.    
nam quia nec fato merita nec morte peribat,
sed misera ante diem subitoque accensa furore,
nondum illi flauum Proserpina uertice crinem
abstulerat Stygioque caput damnauerat Orco.
ergo Iris croceis per caelum roscida pennis              
mille trahens uarios aduerso sole colores
deuolat et supra caput astitit. 'hunc ego Diti
sacrum iussa fero teque isto corpore soluo':
sic ait et dextra crinem secat, omnis et una

dilapsus calor atque in uentos uita    recessit.    

 


 ‘O ma sœur, tu nous as anéanti, toi, moi, ton peuple, ton sénat

 

 

 

Et ta ville de Sidon. Donnez, que sa blessure, d'une onde pure,

 

Je lave, et, si un dernier souffle erre encore sur ses lèvres,

 

Que je le recueille d'un baiser.' En disant ces mots, elle est arrivée en haut des marches

Elle serrait dans ses bras sa sœur à demi-morte, la réchauffait contre elle,

 

En gémissant, avec sa robe, elle épanchait les sombres flots de sang.

 

Didon essaie de lever ses paupières alourdies et de nouveau

S'évanouit ; le sang s'échappe avec un sifflement du fond de sa poitrine.

 

Trois fois elle s'est redressée en s'appuyant sur le coude ;

 

Trois fois elle est retombée et ses yeux égarés, levés là-haut

 

Ont cherchés la lumière du ciel, et elle a gémi de l'avoir trouvé.

 

Alors la toute puissante Junon, ayant pitié de sa longue souffrance et de sa fin pénible

A dépêché Iris du haut de l'Olympe

 

Pour qu'elle déliât cette âme qui se débattait dans les liens de ses membres

 

Car comme sa mort n'était l'effet ni de la nécessité, ni d'un châtiment mérité,

 

Mais que l'infortunée succombait avant le temps,

 

Proserpine n'avait ni enlevé de son front le cheveu doré

 

Ni dévoué sa tête au dieu des Enfers.

 

Ainsi donc iris déployant par le ciel ses ailes de safran humides de rosée

 

Prenant face au soleil mille couleurs variées,

 

Descend et s'arrête au chevet de Didon : « j'emporte, moi,

 

Ce cheveu qui appartient à Pluton et te délie de ton corps »

 

Elle dit et  de sa main coupe le cheveu.

 

 Aussitôt toute la chaleur s'est dissipée,  et le souffle de vie s'en est allé dans les airs

 

 

 

Pour illustrer la mort de Didon, une toile homonyme de Rubens, datant de 1577.

comme quoi au XVIeme j'aurais été un canon de beauté...

 

 Voilà, je suis restée pantoise de longs instants après avoir lu cela...

Je vais en profiter pour éclaircir un peu certains passages un peu obscurs concernant les rituels funéraires romains.

Il était de coutume de receuillir le dernier souffle des mourants par un baiser. ce rituel, que je trouve très beau, je l'interprète comme une volonté de conserver en soi une part du defunt...

Est également mentionné ici la consécration d'une mèche de cheveux du défunt à Pluton, ici nommé Orcus, comme offrande. C'est normalement Proserpine elle même qui se charge de ce rituel, mais seulement lorsque l'heure à laquelle l'on trépasse était celle impartie. Si une personne meurt avant terme, Proserpine ne peut s'en charger. le suicide de Didon fait partie de ces morts prématurée, et l'absence de la déesse explique que la reine peine à mourir, d'où l'intervention de la messagère des dieux, Iris, envoyée par Junon, responsable de l'amour de Didon pour Enée.

Voilà en quoi j'admire aussi la mort de Didon: son suicide n'avait pas été prévu par les dieux, qui manigance tout et manipulent les hommes suivant leur bon plaisir. Elle affirme, quelque part, sa liberté.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mercredi 29 août 2007 à 20:40

Procédure à suivre pour être un true adorateur de Satan
 
 
Le miroir, « vil colifichet de la vanité humaine » d’après le comte Dracula lui même, est inévitablement associé à l’orgueil, à la futilité, et on accuse notamment les femmes de s’y mirer à longueur de temps pour vérifier l’attrait de leur beauté. Beauté maléfique qui n’a bien sûr d’autre but que de perdre les hommes, de les séduire, dans le sens fort du terme, seducere signifiant « faire dévier du droit chemin », selon le discours tenu par les hommes d’église depuis bien longtemps…. Il est bien connu que les femmes sont les créatures du diable, le miroir ne pouvait donc qu’être leur apanage..
 
« A trop regarder dans le miroir, on finit par y voir le diable »
cette expression populaire montre toute la vanité de l’action de se contempler : à trop y regarder, on se trouve de plus en plus de défauts, et on finit inévitablement par trouver que le reflet qui nous est renvoyé représente un monstre… mais je pense que ceci est quelque chose de plus spécifiquement féminin…
 
Prenons maintenant ce splendide proverbe médiéval :
« le miroir est le vrai cul du Diable »
comme quoi en se regardant on ne voit rien moins que le fondement du Malin, que l’on se représente au Moye Age comme un visage grimaçant. Ainsi l’action de se contempler est de la dernière vanité, sans parler de son immondice… on peut voir sur une gravure de la fin du Moyen-Age le postérieur démoniaque se refléter dans l’instrument de vanité devant lequel se coiffe une jeune femme à l’air suffisant. La maxime condamne le grave péché d’orgueil que constitue la contemplation de son reflet, et il est bien normal que l’on attribue le miroir au Diable, si connaisseur en ce péché que c’est ce qui lui valut sa chute, dit-on. Pour montrer comme ce péché est abominable, rien de mieux que le fondement de l’Ennemi pour le symboliser…
 
http://www.capurromrc.it/devil/zxdia173.jpg
Ritter vom Turn, 1498
 
Les sorcières et sorciers de l’époque médiévale et moderne prisaient fort ce fondement, d’ailleurs, du moins selon les fantasmes des divers inquisiteurs et démonologues qui poursuivaient assidûment tous les suppôts de Satan. En effet, on considérait que lors du Sabbat les sorciers embrassaient le fondement du Diable, parfois figuré sous la forme d’un bouc ou d’un chat noir, comme hommage à leur seigneur, et signifier ainsi leur vassalité. (c’est effectivement une parodie du baiser que donnait le seigneur à son vassal lors de la cérémonie de l’hommage de l’époque féodale) : c’est l’osculum infâme.
Parmi ceux accusés de pratiquer cet hommage contre-nature : les bogomiles, vaudois, qui deviendront synonymes de sorcellerie par ailleurs, et autres mouvements hérétiques, parmi lesquels les Templiers qui étaient devenus gênants aux yeux de Philippe le Bel (l’accusation d’hérésie est bien pratique pour se débarrasser des gêneurs)
 
Ainsi, si on réfléchit bien à tout ce qui vient d’être dit, si vous voulez devenir vassal du Diable, nul besoin d’invocations, de cercles magiques ni de sang versé… il vous suffit d’embrasser dévotement votre miroir… osculum infâme ultime !
 
http://www.illusionsgallery.com/Mariana-South-L.jpg
Mariana in the South, de Waterhouse, 1897
 
Edit du 08/06/09 (merci les bugs): mr le Grand Inquisiteur, vous pouvez donc imputer un autre crime à Mordred (private joke)

Vendredi 10 août 2007 à 20:02

 

Beaucoup de projets d’articles, tous aussi longs et dépourvus d’intérêts (pour vous chers lecteurs inexistants) les uns que les autres… parmi eux une interprétation de rêve, un commentaire d’une phrase de Henri-Clément Sanson, la liste de ceux à qui j’adresse la phrase « je l’aime » dans une journée (pas moins d’une cinquantaine de fois sur une cinquantaine d’individus (artistes morts la plupart du temps) ou objets différents) l’exhibition gratuite d’une photo de jeune homme à forte capillarité prétexte à un discours très sérieux sur la filiation d’Elrond et partant sur la reproduction chez les elfes (virginité au mariage ? combien de temps de gestation est-il nécessaire pour un enfant elfe ? à quelle fréquence les femmes elfes ont-elles leur cycle ? connaissent elles la ménopause ? ) sujet pas si idiot qu’il n’y paraît et qui a été lancé par la gentille sœur de mon esclave. Aussi en projets, biographies de contemporains de Bleuzenn (on se demande lesquels tiens) une déclaration d’amour à Perceval, exhibition de mes crimes graphiques, exaltations gratuites sur mes peintres fétiches (là encore on se demande lesquels)…
Non, Aujourd’hui il me prend l’envie de traiter d’un thème qui m’est cher, l’Amour et la Mort, Έrwς kaί Qanάtoς LE couple. Ce thème offre de très vastes choix de sujets : le vampirisme, sa plus parfaite illustration, peut-on aimer un mort ? (j’aurais tendance à dire oui je ne sais pas pourquoi) peut-on aimer LA mort ? Là dessus un site très intéressant : la mort dans l’art.
Non, le sous-thème que j’ai envie de traiter ce jour consiste en la décollation de l’amant, et il m’est très cher. J’ai toujours été attirée par cette relation morbide entre une tête coupée et une jeune fille, et mes rêves sont souvent peuplés de ces étoiles filantes au sillage rouge. Rien de pathologique là dedans, c’est avant tout esthétique. Soyez certain que si je voyais vraiment une tête sans son corps, je ne dirais probablement plus ça. D’un aspect purement artistique et de l’ordre de l’idée, c’est esthétique.
 
C’est un thème qui dans l’art apparaît vraisemblablement au XIXeme siècle. Le thème de la décollation de Jean-Baptiste a été traité de tout temps, mais c’est surtout le martyr du saint qui y est souligné, l’aspect prédateur de Salomé étant rarement abordé, hormis peut-être cette magnifique toile de Lucas Cranach, (http://www.wga.hu/art/c/cranach/lucas_e/9/05salome.jpg ) datant de 1530 ,qui évoque plutôt un félin avec sa proie.
 
Pour avoir une petite rétrospective, c’est ici.
 
Cependant, ce n’est vraiment qu’au XIXe siècle que l’on inspire des sentiments amoureux entre Salomé et sa victime. Indéniablement, en ce siècle magnifique pour l’art, les peintres abordent le thème de la décollation de l’amant, de l’attirance fatale et de l’amour impossible et terriblement romantique d’une vivante pour euh, la partie d’un mort.
Ce thème est venu par l’histoire d’Orphée. Au XIXeme siècle, la mythologie gréco-romaine est très à la mode, de part le développement de l’archéologie qui fait redécouvrir les traces du passé, et en cet honneur est joué à Paris l’opéra du compositeur XVIIIeme Gluck, Orphée et Eurydice, qui déchaîne l’imagination des peintres : à la suite de Poussin, qui en avait fait son interpétation en 1650, Emile Levy (1866), Jean-Baptiste Corot (1861), Machard (1865) offrent leur vision du mythe.
C’est là qu’apparaît Gustave Moreau, peintre symboliste que je révère, idolâtre, admire et aime. En 1866, il créer un motif qui va trouver beaucoup de succès : la tête d’Orphée coupée et posée sur sa lyre. Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire du malheureux Orphée, il s’agissait d’un poète (un poète ! ah ! je l’aime ! ^^) qui s’est rendu aux Enfers pour récupérer sa femme Eurydice morte à cause d’un serpent. Il a tant de talent que Hadès lui même se laisse émouvoir (Hadès ! ah ! je l’aime !). Malheureusement pour Orphée il désobéit à l’une des clauses du contrat consistant à ne pas se retourner en chemin pour voir sa femme, et il la perd à jamais. Le chagrin l’étreint, et les bacchantes, ces démentes suivantes du dieu de l’ivresse, jalouses de son talent, et peut-être aussi du fait qu’il ne daignait pas s’intéresser à elles, le mettent littéralement en morceaux. Moreau (ah ! je l’aime !) a ainsi imaginé que la tête du poète s’était posée sur sa lyre, et qu’une jeune fille les recueillait. C’est La jeune fille Thrace. On peut voir sur le tableau qu’elle contemple amoureusement la tête d’Orphée, qu’elle semble bercer, fascinée par ce monde que doivent à présent contempler ces deux yeux clôts.
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/moreau-thrace.jpg
 
 
Je trouve cela tout simplement magnifique. Ce motif a en tout cas beaucoup plût, puisque que Odilon Redon le reprend en 1880 (symboliste lui même, mais je dois admettre que son art ne m’émeut pas) puis par Jean Delville (que j’aime) en 1893.
Cependant, seul Moreau présente le thème de l’amour mortel dont il est question ici.
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/delville-orphe.jpg
 
 
Toujours au XIXème, un autre mythe donne aux peintres l’occasion de représenter le thème : celui de Salomé. En 1877, Gustave Flaubert présente trois contes, dont Hérodias, inspiré d’un thème biblique. Celui-ci raconte la vengeance de Hérodiade, femme du roi Hérode, contre saint Jean-Baptiste. Celui-ci dénonçait les frasques de l’épouse, qui n’avait pu obtenir du roi qu’il tue Iaokannan, notre baptiste. Elle fait alors danser sa fille Salomé devant lui, et elle excelle tant à cet exercice que le roi fasciné lui promet ce qu’elle voudra… Salomé obtient ainsi pour sa mère la tête du prisonnier sur un plateau… Pour nos romantiques, il ne fallu pas longtemps avant de penser que Salomé était amoureuse du cousin de Jésus, et que ce n’était que par sa mort qu’elle pouvait le faire sien…
Devinez qui a traité le thème… Moreau ! dans plusieurs toiles présentant toute sa virtuosité il nous a laissé sa vision du mythe, qui semblait fort l’intéresser… Dans l’Apparition, de 1875, Salomé dansant désigne la tête du condamné…
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/Moreau_Apparition.jpg
 
 
 Une autre toile montre Salomé dans la prison où saint Jean le baptiste est prêt à se faire décapiter, dans le fond. Elle a l’air troublée, attendant l’instant fatal.
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/moreau-salome.jpg
 
 
Il y a, complètement dans le thème, Salomé au jardin, de 1878, où elle contemple la tête avec un air félin de satisfaction. Amour unilatéral et cruel allant jusqu’à la mort de l’homme désiré qui se refuse…
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/Moreau-Salomaujardin.jpg
 
Moreau a peint d’autres versions de Salomé tenant le plateau, mais dans ces versions, elle regarde ailleurs, mais avec un air de jeune mariée au bras de son époux.
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/salom-plat.jpg
 
Je n’ai aucun talent dans l’exégèse, mais je vais donner mon interprétation de ce symbole de l’amant décapité. Il y a d’une part, la découverte d’un amour posthume. La jeune fille tombe amoureuse d’une représentation. Elle n’a devant elle que le vestige d’un être qui a cessé de vivre, elle ne voit qu’une part de lui. C’est une part totalement idéalisée, car l’amant n’est plus en mesure de s’exprimer. Elle projète sur lui ses idéaux sur l’amour, couplés d’une fascination pour la mort qu’il représente aussi. C’est l’éveil de la sensualité chez cette jeune fille qui s’éveille à la vie et à l’amour : ses pulsions de vie, l’amour, se mêlent à ses pulsions de mort (mort de l’amant), représentant la violence de la sexualité, qui l’attire autant qu’elle l’effraie. le tout avec cet espoir encore que l’amour survit à la mort.
 
Le symbole de la tête séparée du corps représente, dans l’onirisme, une coupure nette entre l’esprit et le corps. C’est donc clairement une idéalisation de l’amour, dont on rejète l’aspect purement charnel. On reproche souvent aux femmes, plus particulièrement aux jeunes filles s’éveillant au sentiment amoureux, de vouloir faire dominer dans l’amour cette spiritualité.
Je me retrouve bien dans cet aspect… je n’aime que par morceaux… je n’aime d’une personne que ce que j’en idéalise, et cet idéal n’est qu’une part d’elle… Je n’aime vraiment de tous ceux que je déclare ma flamme à longueur de journée que la tête, l’esprit créateur produisant ce qui m’exalte, le talent, purement spirituel. Je peux aussi m’exalter sur un physique, mais c’est parce que je suis une esthète 0:-), je n’apprécie que la forme, ce n’est encore qu’une part… 
 
Le mythe de Salomé nous laisse voir une autre part, rejoignant un peu la première : la violence du désir, la cruauté de l’amour, quand les pulsions de vie et de morts sont intimement liées… Lorsque l’amant se dérobe, la mort devient la seule façon d’obtenir l’objet du désir. La tête devient alors un trophée, ce siège de la personne, alors offerte. (d’ailleurs les têtes plantées sur des pieux sont des trophées) C’est une appropriation, l’amante frustrée est alors sûre que celui qu’elle aime n’ira pas ailleurs, il lui appartient, éternellement. C’est le paroxysme d’une passion très forte, mais unilatérale, mais aussi très égoïste, puisque l’on refuse que l’être convoité soit heureux sans nous. Au contraire de ce que l’on a vu d’abord, une idéalisation de l’amour et de la personne aimée, on voit ici que cette même idéalisation, déçue, peut amener à la mort. Les sentiments ici ne sont pas candides, mais au contraire plein de force, et même de perversion. C’est une relation sadomasochiste, avec la maîtresse et l’esclave, esclave dont on ôte la vie si il déplaît à sa maîtresse. En même temps l’esclave affirme sa liberté : tu ne m’auras que mort. Triste trophée pour la maîtresse qui ne pourra assouvir que brièvement, et partiellement, la passion qui la dévore. La mort, seule alternative à un amour impossible…

http://casoual.files.wordpress.com/2007/01/stuck-von-franz-salome.jpg
La version, assez provocante, de Franz von Stuck, datant de 1906
 
Et voici Lucien Lévy-Dhurmer qui nous présente en 1896 un dessin au pastel plein de sensualité, semblant dire « et maintenant, est-ce que tu m’aimes ? »
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/L.levydhurmersalome.jpg
 
 
J’ai conscience que l’analyse pourrait être bien plus poussée, bien mieux expliquée et beaucoup plus intéressante, mais on ne se refait pas. J’aimerais juste conclure en ajoutant que de mon point de vue, le cavalier Hessois de Sleepy Hollow serait une bonne version du thème, puisqu’il y a bien une jeune fille amoureuse de l’autre côté… bref
 
http://i35.photobucket.com/albums/d172/bloodthirsteve/sh_005HessiansGrave.jpg
 
Ça ne se voit pas là mais il a la tête coupée
 
Dernière chose : on retrouve aussi ce thème dans le vampirisme. Le vampire est l’incarnation de l’érotisme, de la sexualité débridée voir dangereuse, avec cette violence des passions etc. Or ce vampire est tout de même un damné. Pour le « purifier », lui apporter la paix, il faut lui couper la tête… le vampire incarne la luxure, or la luxure, c’est mal, c’est le côté charnel de l’amour, alors pour le spiritualiser à nouveau… on coupe la tête.
Je ne sais plus si à la fin du Dracula de Francis Ford Coppola Mina embrasse la tête coupée de Dracula…

Jeudi 26 juillet 2007 à 1:25

J'ai marché le long du chemin. J'ai marché seule sous le regard de la lune au travers des arbres. Et tu n'étais pas là au bord du chemin à m'attendre comme je l'espérais. Tu n'étais pas là pour m'emmener avec toi et me perdre sur une autre voie. Alors j'ai continué comme je mènerais toujours ma vie et comme je mourrais : seule.

Je voulais venir vers toi, mais je ne t'ai pas trouvé, et la grille était close pour moi.

J'aurais aimé que tu sois là, Amadeus, sur le bord du chemin. Et pas seulement dans mon esprit.

 

« Un Roi sans divertissements

 est un homme plein de misères »

Blaise Pascal

peintures de deux artistes que j'apprecie énormément:

Jean Delville et William Blake

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