Le retour de l’abomination errante dans son ermitage ! merci à Buf pour son article sur M. Rogers tandis que j’admirais pour ma part la faune et la flore de la région bordelaise en compagnie de toute la Compagnie dont fait maintenant partie Adé ! merci à toi d’être venue et d’être restée un peu avec moi à la gare !
Cependant mon but n’est pas ici d’étaler mon existence, même lorsqu’elle est moins insipide que d’habitude ! je voulais en fait donner mon interprétation à une œuvre de sir Frank Bernard Dicksee qui m’inspire tout particulièrement, à savoir Two Crowns.
L’artiste a eut le bon goût de naître en Angleterre au XIXeme siècle (1853-1928) et d’être un peintre de talent, qui lui valut d’ailleurs une belle renommée en sa contrée. Il ne faisait pas partie de la confrérie pré-raphaélite (contrairement à Dante Gabriel Rossetti si je ne m’abuse) mais ses peintures portent tout de même pour certaines la marque de ce beau mouvement, et c’est le cas de Two Crowns.
La toile se situe ainsi dans la période médiévale, comme le montre l’armure du personnage central et des soldats qui l’entourent, ainsi que le costume des jeunes filles qui l’environnent, et que l’on peut placer plus précisément au XVe siècle.
On peut y voir le défilé triomphal d’un roi victorieux entrant dans une ville avec son armée, et célébré par la population –dont on ne voit que de belles demoiselles- avec liesse. Le peintre a saisit sur sa toile le moment où le regard du roi se pose sur un calvaire situé dans la bordure droite du tableau, dans l’ombre. C’est ici que l’on peut comprendre le nom du tableau : deux couronnes : la couronne d’or du roi triomphant, face à la couronne d’épine du Christ agonisant.
La composition elle même est très dynamique, par le mouvement et les couleurs. Autours du cheval du roi, on a une impression de spirale créée par les demoiselles qui l’entourent. Tous les visages sont tournés vers le roi qui trône au dessus d’elles. On peut aussi voir une croix dans la peinture, formée par deux diagonales : l’une créée par les lances inclinées et qui se poursuit jusqu’au coin supérieur droit avec la bannière et ses rayons dorés. L’autre diagonale est formée par le bras du personnage en haut à gauche et par les pétales de fleurs jetés, et elle se poursuit dans l’inclinaison de la selle et de la jambe. On peut encore y voir une pyramide, dont la base est formée par les jeunes filles et dont la couronne est le sommet. Ces lignes amènent l’œil du spectateur sur le roi, et plus particulièrement sur sa tête couronnée qui se trouve au milieu de la composition. Cela est encore renforcé par le choix chromatique de l’artiste : le roi resplendit dans son armure d’or, dominant l’œuvre. Les autres couleurs, quoique vives, sont plus ternes, hormis le rose des pétales qui donnent tout son mouvement à l’œuvre. l’attention est ainsi concentrée sur le roi, montré comme source d’autorité, comme l’indique son sceptre, son maintien et la force que lui confère la forme de l’armure. Notre roi domine une assemblée très vivante et colorée, effaçant ainsi la présence de la croix sur le bord droit. Celle ci est sombre et excentrée, et l’œil du spectateur n’y est amené qu’en suivant le regard du roi.
L’ouvre prend ici tout son sens : au faîte de la sa gloire et de sa puissance, adulé par la foule, le roi fait face a un autre souverain, le Christ. Nous avons ainsi deux visions de la souveraineté : celle temporelle, représentée par le roi dans son armure, et celle, spirituelle, représentée par le Christ. Le roi et le crucifié semblent alors soudain être les seules figures de ce tableau : par ce regard, le personnage central se trouve coupé de la foule bruyante et virevoltante qui l’entoure et le célèbre, plongé dans une méditation : il se voit en effet révéler la vanité de sa propre souveraineté : il n’est qu’un roi de sang, voué à disparaître. C’est effectivement une sorte de révélation qui est offerte au roi, dans le sens que seul lui regarde le calvaire, seul lui le voit. Et c’est à lui que le Christ semble adresser un message Il ne jouit de ses grâces qu’un court instant. Cette impression se trouve renforcée par les objets éphémères qui l’entourent : les pétales de fleurs demain seront fanés, et la jeunesse des demoiselles sera bien vite envolée. Son triomphe lui même ne durera peut être qu’un court instant, et la guerre pourra lui reprendre ce qu’il a aujourd’hui conquit. Ce Christ lui rappelle donc qu’il ne tient toutes ses grâces que par sa volonté, lui, le souverain éternel et tout puissant, qui n’a pas besoin d’artifices et de couleurs pour faire valoir son pouvoir.
On peut dénoter une autre nuance dans le regard du roi : peut être a t’il honte de se présenter de façon aussi pompeuse devant son dieu, et de ce que représente aussi sa propre souveraineté : il ne maintient son pouvoir que dans le sang, celui des autres comme le montre les lances, les soldats, et même le rouge de sa cape et le tissu noué à son bras (en l’honneur d’une dame sans doute) Il domine par la force, comme semble le suggérer la soumission de son cheval, tête baissée rongeant son mord On peut s’apercevoir que la tête du roi se détache sur les ténèbres, comme s’il en provenait et qu’il les répandait. Au contraire, la tête du Christ, qui le domine, est auréolée de lumière, se détachant sur l’éclat d’une bannière dont le soleil brodé est placé exactement à l’emplacement de la tête couronnée d’épines. Ils sont deux opposés exacts en somme : le roi éphémère, drapé de lumière mais exhalant les ténèbres et la violence, et le roi éternel, omniprésent, exhalant la lumière et qui lui a offert son sang pour le rachat des hommes.
Cette œuvre est d’une grande force a mes yeux, car tout est contenu dans un regard. Elle représente à mon sens une révélation, une prise de conscience, un memento mori destiné à mettre le roi en garde : lui comme son pouvoir sont éphémères et proviennent du seul véritable souverain : Dieu, dont il doit apprendre la compassion et l’humilité.
Je tiens à préciser qu’il faut prendre le point de vue catho pour comprendre l’œuvre et l’interpréter comme cela, je pense que c’est ce que l’auteur voulait signifier en partie. Ce n’est pas nécessairement comme cela que je considère personnellement la figure du crucifié, donc merci de ne pas me faire de réflexion là dessus.
A propos d’œuvre ! et bien, je dois le confesser, j’ai succombé à la tentation… et j’en suis même très contente !
Une magnifique édition en vo pas cher (en tout cas la moins chère de toutes) d’une magnifique histoire de maître Tolkien, illustrée par Alan Lee…
The Children of Hùrin
j’aime les gares. (si si il y a un rapport)
Pour ceux que cela intéresserait, il s’agit de l’histoire d’une famille maudite (tiens tiens) par Morgoth, le premier bastard de service de la Terre du Milieu. Hùrin est ainsi condamné par lui à voir souffrir ses descendants à subir une terrible destiné, et son fils Turin le premier…
Ahaha et dire que la semaine dernière encore je disais que j’en avais marre de cette histoire parce que j’ai du lire au moins 3 versions différentes ^^’ non mais c’est vrai au bout d’un moment on sature à force de lire 50 fois la même chose… mais là c’est différent, c’est la version ultime en vo, donc avec les mots même du maître et tout… et l’histoire est magnifiquement dramatique… j’ai toujours en projet depuis au moins 5 ans une illustration de Turin et Gwindor dans les forêts de Taur-Nu-Fuin (repaire du Lieutenant Sauron dans l’histoire de Beren et Luthien <3)
bon et si je me trouvais les Lais du Beleriand maintenant ? J
tout cela me donne envie de faire un habillage ! n’oubliez pas de regarder régulièrement s’il y a des nouveautés de ce côté là ! vous trouverez les habillages concoctés par ma Buf (Breizh, Spanish Inquisition et Raspoutine) et ceux faits par mes petites mains hérétiques !
bon, sur ce, je vais retourner massacrer ma couture et mes petits maudits. Vale.